Ça y est ! Je vous entends déjà médire : voilà que Prog-résiste se
lance dans la variété française ! Si je vous promets pour bientôt une
chronique du premier « Sheller » ce ne seront plus des lettres
de dépit, mais bien d'insultes que nous recevrons bientôt. Qu'importe,
car ce disque De Gérard Manset, paru à l'aube des années 70, mérite
assurément une place dans votre discothèque. Quelle époque
bénie, où sans se réclamer de tel ou autre style, des dizaines de
musiciens touchés par la grâce divine (ou tout simplement par l'état
d’âme de l'époque) ont sorti un joyau intemporel qui ravira vos
oreilles progressives, pourtant bien rodées par les temps qui courent. Ben alors, de quoi s'agit-il ? D’un
superbe album de rock symphonique, et ce dernier terme n'est sûrement
pas galvaudé. La première face (!) retrace l’odyssée du
peuple d’Orion sur plus de 24 minutes., le long d'un morceau articulé
en 5 parties, qui revisite tout ce qu'un amateur de symphonisme peut
espérer, la grande saga tragico-lyrique, les récitatifs, les
violons, les chœurs, de l’orgue d’église, des voix féminines et surtout
l’émotion fabuleuse générée par la poésie de langue française. Mais que
demande le peuple ? Rien d’autre. Reconnaissons que, bien qu’il ne
chante pas tout le temps (une large part est laissée aux
instrumentations, chœurs et autres vocaux féminins), le timbre de voix
de
Gérard Manset est inimitable et qu'à prime abord, on est un peu dérouté
d'entendre la voix du « navigateur en solitaire » sur un mor¬ceau à
tendance progressivo-symphonique. Mais laissez de côté tous les a priori et plongez dans les délices de la musique intemporelle. L'autre face ? 4 morceaux (de 3 à 7
minutes) qui ne rompent en rien l’impression laissée par ce premier
morceau d’anthologie. On prend les même ingrédients
(violons, émotions, piano, symphonis¬me, lyrisme, emphase, arrangements
magnifiques) et on recommence. Il y a même quelques passages où on mêle
les voix off aux arrangements classiques légèrement
dissonant pour finir en apothéose par une « Elégie funèbre », où vous
pouvez, sans hési¬ter, prendre le livret et suivre les paroles: c'est
de la poésie à l’état pur. Un très grand album de
symphonique français. L’album vient d'être réédité en CD,
en 1996, et pour une fois, vous pourrez vous diriger vers le premier
mégastore venu et acheter un disque du rayon de variété
française ! Mais, pour la beauté du geste et afin d’encourager
l’abnégation frisant le suicide commercial qui habite nos sponsors, je
vous recommande d'essayer de vous le procurer chez un de nos
fournisseurs favoris (quel qu'il soit !) et vous pourrez par la même
occasion lui demander de vous parler du premier disque de Gérard Manset
(1968) qui vaut également le détour ! Dr
Prog.