Ce
qui vieillit les chansons, ce sont les batteries. Gérard Manset en sait
quelque chose, comme nombre de ses confrères ayant survécu aux années
1980 et 1990 - les pires, boîtes à rythmes et sons compressés de hi-fi
«tunées». Quarante ans après Animal on est mal, 45 tours fondateur
sorti en mai 1968 le même jour que la Cavalerie, le chanteur
signe deux textes sur le dernier Julien Clerc et un nouvel album sous
son nom. Dans
un cas, il se fait entendre, mélodie soignée et voix intelligible,
notamment sur la Petite Fée, miniconte sans refrain. Dans l'autre, il
revient à sa marginalité, voix défaillante, relevée par quelque
feulement sur chambre d'écho et choeurs antiques d'Orion, paradoxe de
l'autodidacte à faire se déplacer les murs du succès dans un sens
comme dans l'autre. Ces
derniers temps, Manset est
redevenu l'un des auteurs traits d'union de la chanson, de Birkin à
Pagny, via Gréco, Lavil ou Indochine. Les artistes de variétés
cherchent en lui une crédibilité. Manset ou l'alternatif populaire.
Dans cette incompréhension qui ne demande pas à se résoudre, il plante
le décor de son dix-neuvième volume. Le succès a validé une fois la
démarche : Il voyage en solitaire. Sans batterie ne veut pas
dire sans rythme, ni pulsation - là, piano électrique. Fusain.
Deux ans après Obok, CD semblant conjurer le kitsch d'orchestrations en
se plaçant pourtant dans l'exact quiproquo de saxos et de guitares
FM, Manset limite la casse, comme aidé d'un producteur, Less Is More,
dans le dépouillement d'une basse, d'un piano, de guitares gitanes
(Raphaël, pour qui Manset écrit), envolées de cordes de compos
lâchées à la manière d'un graphisme d'Hipgnosis. On
l'aura compris : hormis quelques péchés mignons de hard-rock mal à
propos, Manitoba ne répond plus, titré d'après un Jo, Zette et Jocko,
est d'un autre niveau qu'Obok. Pourtant, il s'y raconte les
mêmes choses, paradis perdus sur fond de Lettres persanes, bonshommes
échappés d'un fusain, explorateurs de Verne, chasseurs et leurs
victimes sur aplats de Lascau, un air en rupture, qui sera
incompréhensible pour certains et compréhensible pour les mieux lotis.
Le Manitoba ne répond plus, dix titres, s'ouvre sur Comme un Légo,
«repris» du dernier Bashung faisant une large place à Manset
jusqu'à reprendre Il voyage en solitaire en envoi. C'est une mode. «Humain».
Maxime Le Forestier enregistre un titre écrit avec Julien Clerc. Julien
Clerc le chante quelques semaines plus tard sur son album à lui.
Comme un Légo, paroles et musique maison, est méconnaissable chez
Manset. La séduction se fait attendre, beauté âpre des films de Pavel
Lounguine : «C'est un grand terrain de nulle part/ Avec de
belles poignées d'argent/ La lunette d'un microscope/ Et tous ces
petits êtres qui courent.» La
séduction n'est pas immédiate, elle vient. Avec Dans un jardin que je
sais : «Une fille venait/ De longs cheveux sur elle/ Et moi, je me
disais
mon Dieu que je revive.» Flamenco et synthés floydiens. Huit titres
après, on aime Quand une femme, avec son clavier cheap : «Quand une
femme/ Se lève le matin/ Fait chauffer de l'eau/ Regarde ses
mains.»,Genre humain, et un peu moins Pays de la liberté - titre
initial du CD. Mais globalement, plutôt bien.
Manset - Manitoba ne répond plus Chronic'Art (Septembre
2008) par Sylvain Fesson
On
devrait toujours se méfier quand quelqu'un nous dit « Ecoute, ça va te
plaire ». Surtout quand le message émane d'une
attaché de presse qui se la joue dealeuse, genre « V'là ta came ». On a
envie de répondre : « Qui es-tu pour savoir ce qui me plait ? Je ne
suis pas un drogué, un bigot ». Bon, la nana avait raison.
Après deux-trois écoutes rétives, le dix-neuvième Manset nous a révélé
sa saveur et ses habituels coups de bambou. Tout avait pourtant mal
commencé. Manitoba
s'ouvre sur Comme un Lego, un des trois morceaux signés Manset
sur le dernier Bashung. Un de ses sommets pour ne pas dire son sommet.
Bashung a d'ailleurs choisi ce morceau pour inaugurer les concerts de
sa tournée Bleu pétrole. Et c'est bien simple, si sa
version studio est divinement belle, sa version live elle, est
littéralement belle à pleurer. Manitoba
s'ouvre donc sur un défi Manset / Bashung et Manset met un genou à
terre. Oui, il échoue à se réapproprier sa monumentale chanson de 8
minutes et demi. Il a beau rapporter que les gens de sa génération
préfèrent sa version, le jeune homme d'aujourd'hui préférera, lui,
celle plus nue, intemporelle, funambule et sans filet de l'auteur
de L'Imprudence. La faute non pas à la différence de chant. Manset
articule plus, prononce les « e » et je trouve ça charmant, cette
austérité magique, ce côté vieux schnock « chaman-jésuite ». Non,
la faute à trop d'orgues et de chœurs. Dès le départ le morceau
s'avance sur une vibe atone gospel-prog, mais ça va encore, c'est
discret, et puis paf à 5'06'' la louche qui fait déborder le vase :
haussant le ton les choeurs féminins que l'auteur à voulu « comme un
vrai gospel américain » plombent l'ensemble. On imagine direct une
brochette de grosses dondons, de vahinés de carte postale.
L'image mentale fait mal. Dans le même genre on est loin de l'élégance
obtenue par Murat sur Mustango. Et c'est dommage car le texte est beau.
De haute volée. Vraiment. Ce
traitement sonore daté, bouffi et jazzeux fait des dégâts un peu
partout dans ce disque. Et même un peu plus que d'habitude car Manset a
changé depuis la sortie en 2004 du Langage oublié. A ce moment-là, il
s'est aperçu que les longs morceaux sirupeux et
sophistiqués étaient de l'histoire ancienne, que les gens avaient
besoin de choses presque brutes, « intelligibles ». Parmi son matériel
foisonnant abritant « du complètement barré » au « b-a-ba du
sentiment », il a donc choisi de sortir ceux qui avaient « moins de
renversements » et « de constructions bordéliques, de la même manière
qu'aujourd'hui « Chateaubriand n'écrirait plus Les Mémoires
d'outre-tombe, mais ferait un petit pamphlet de 50 pages et basta ». Mais
Manset « transpire l'exotisme sans le vouloir », alors parfois ça passe
et parfois non. Dans Le Pays de la liberté, malgré le clin d'oeil que
la guitare folk adresse aux Portes du pénitencier, ça passe. Dans Aux
fontaines j'ai bu, ça casse. Dépourvu de paroles touchantes ce morceau
n'est qu'une petite « tournerie » dont l'hédonisme musical
un brin vulgaire évoque le Nightshift des Commodores. Dans Quand une
femme, Manset revient au silence, à l'amplitude taiseuse d'un piano, à
l'ambiance cathédrale, alors forcément ça passe. De même
sur Genre humain, très belle pièce ornée de cordes et de guitare folk
où il se dédouble dans l'évocation d'un gamin pour mieux raconter le
Manset d'aujourd'hui. Voulez-vous savoir, c'est le drame. La
tentation rockab' qui tombe à plat. Horrible. Passons. Comme complainte
incantatoire, Ô Amazonie n'est pas mal, mais aurait encore une fois
mérité d'être élagué de quelques chœurs guimauves et nappes
de claviers tropicales. Quoique… Au bout de quelques écoutes on ne sait
plus. On ne saurait dire si le kitsch de ces orchestrations gâche
vraiment ces morceaux ou leur donne leur charme, nous
transportant irrémédiablement ailleurs... D'un piano, d'une sèche, de
quelques cordes et d'une voix fragile, Le Pavillon de Buzenval sculpte
un silence souple comme un manteau de neige. C'est
superbe. Et au bout du tunnel Dans mon berceau j'entends. Une
splendeur, légère, sépulcrale. La clef du disque à mon sens. Un disque
où l'auteur se fait plus autobiographique et humain que jamais,
bien qu'il ne soit pas de cet avis, attribuant ce ressenti à la
présence des cordes. « Avec elles d'un coup on voit Aznavour, quelqu'un
comme ça ». J'ai
évoqué 9 titres. J'en ai passé un sous silence, le meilleur. Il
surgit plage 2 juste après le péplum tartineux de Comme un Lego, dont
il est l'antithèse, l'épure royale. Ce titre, c'est Dans un jardin que
je sais. S'il fallait n'en retenir qu'un ce serait
celui-là. Ce piano tremblotant qui remue les fantômes du passé, les
chemins qu'on n'a pas pris, les plaies qui ne sont pas refermées, cette
voix de lierre grimpante qui tait ses inflexions macabres
pour se fendre d'aigus touchant comme il en poussait sur Quand on perd
un ami, je tombe à genoux devant pareille splendeur. Je suis comme
convoqué à ma mise en bière. Je ne peux qu'écouter, me
laisser faire. Avec ce morceau on ne dira pas que Manset se met enfin à
écrire une chanson d'amour. L'expression est trop connotée « variété »
et il n'a rien du chanteur de charme. Mais c'est un de
ses morceaux où il parle on ne peut plus explicitement de l'amour qui
peut naître entre un homme et une femme, enfin de l'amour qu'un homme
éprouve en son absence. Dans Manitoba, à défaut de parler
de ce monde qu'il exècre, Manset parle plus que jamais de cet amour, le
sentiment amoureux. Encore une fois, il réfute ce commentaire. Tout
juste concède-t-il que « Oui, les années passant on a des
souvenirs et qu'aujourd'hui ça a plus de saveur de les évoquer parce
qu'on pense à l'amant qu'on a été ». *****************************************************************************************
Gérard Manset: Le talent loin
des paillettes Eric
Bulliard (2/10/2008) La Gruyère.
Il
est l’un des plus mystérieux auteurs-compositeurs-interprètes actuels.
Un des plus fascinants et des plus talentueux
aussi. Gérard Manset poursuit depuis quarante ans une route à part,
loin des paillettes. Son dix-neuvième album, l’envoûtant Manitoba ne
répond plus, confirme que son univers ne ressemble à aucun
autre, avec son lyrisme en constant équilibre entre le sublime et le
kitsch. Manset construit depuis quarante ans une œuvre unique dans la
chanson française, sans jamais donner de concert et en se méfiant de la médiatisation Il
n’est jamais monté sur scène, n’apparaît qu’exceptionnellement dans
les médias. Il trace sa route en solitaire: deux ans après Obok, il a
écrit, composé, orchestré et mixé lui-même Manitoba ne répond plus
(clin d’œil à Hergé et à Jo, Zette et Jocko), son 19e album.
Comme d’habitude. Même la pochette est son œuvre. Quarante ans que
Gérard Manset refuse le jeu du show-business. Quarante ans qu’il occupe
une place singulière, à la fois discret et essentiel,
méconnu du grand public, salué par ses pairs. Ces dernières années, il
a travaillé pour Bashung (qui a repris aussi Il voyage en solitaire,
l’un de ses titres les plus connus), Julien Clerc, Raphaël,
Juliette Greco, Florent Pagny, Indochine, d’autres encore. Très
présent, mais à part, définitivement. «On regarde, on regarde, on
regarde dedans / On voit de toutes petites choses qui luisent / Ce
sont des gens dans des chemises.» Manitoba ne répond plus s’ouvre sur
cette merveille, Comme un Lego, que Manset a écrite pour Bleu pétrole,
le dernier album de Ba-shung. Plus de huit minutes
lancinantes, où l’on retrouve d’emblée cette voix unique, un peu
plaintive, tendue, tremblante presque, comme au bord de la cassure,
soulignée par une réverbération omniprésente. Jamais banal. Cette
entrée dans l’album se révèle symbolique: Manset ressemble à cet
observateur au-dessus du monde, qui regarde s’agiter les hommes et leur
tend un miroir impitoyable. Il renvoie des reflets oniriques (Dans un
jardin que je sais) ou des images terriblement réalistes,
comme ces «hommes décharnés», ces «enfants couverts de bleus», ces bras
qui ressemblent à des mâts, tendus vers un illusoire Pays de la
liberté. Frissons. Plus
loin, dans une des plus belles chansons de l’album, Manset lâche «je
me suis fâché avec le genre humain». Sur un fond de guitares et de
violons, avec ce rien de grandiloquence qui le caractérise. Ses
histoires de paradis perdu (Dans un jardin que je sais), de voyages
(Ô Amazonie), il les dessine d’une plume tour à tour mystérieuse, voire
ésotérique, et concrète, mais jamais banale. Avec le souci du mot
juste, Manset se montre aussi capable de s’élever dans le
lyrisme («Oh Amazonie, que tu es loin / Avec tes odeurs de pluie») que
de dire la simplicité du «pavillon de Buzenval / et son muret de
briques / aujourd’hui écroulé». Ou de décrire avec pertinence
une femme qui «se lève le matin / fait chauffer de l’eau / regarde ses
mains». La grâce et le kitsch Musicalement
aussi, Gérard Manset alterne raffinement et simplicité. Avec, toujours,
une liberté incroyable: ici, aucun souci de mode, de modernité.
Manset ne ressemble à personne, fait ce qu’il veut. Qui l’aime le
suive. Depuis ses débuts avec Animal on est mal, sorti en mai 1968, il
a tenté des incursions rock (Matrice, 1989), a connu quelques
succès publics (Il voyage en solitaire en 1975, Marin’Bar en 1981),
mais sans jamais transiger: refus absolu de la facilité, des normes et
des formats. Cette
liberté totale lui permet, le plus souvent, de toucher au sublime,
avec ses orchestrations raffinées, léchées, ses mélodies envoûtantes.
Des bijoux comme Genre humain ou Dans mon berceau j’entends (qui clôt
l’album sur une note de sérénité inattendue) vous
transportent. Moments de grâce pure. Et puis, il y a ces cordes, ces
synthés planants, hors du temps, à deux doigts de tomber dans le
kitsch. Aux fontaines j’ai bu ou Quand une femme (avec son
clavier très cheap) par exemple, frisent la variété sirupeuse. Démarche exemplaire Tel
est Manset, toujours en équilibre, toujours en fragilité. Exigeant,
raffiné, adepte d’une chanson littéraire qui a influencé bien d’autres
auteurs-compositeurs (les échos chez Murat, entre autres, semblent
évidents), observateur souvent sombre d’un monde en déliquescence, il
demeure, à 63 ans, exemplaire dans sa démarche solitaire comme
dans son œuvre. Peintre, photographe, écrivain (son dernier roman, Les
petites bottes vertes, est paru l’an passé chez Gallimard), voyageur
infatigable (avec une prédilection pour l’Amérique du Sud
et l’Asie), il fait partie de ces artistes trop rares qui permettent de
vraiment voir le monde autrement, qui l’éclairent de leur regard acéré.
Et tant pis si c’est pour mieux comprendre, comme il le
chantait sur Camion bâché (Matrice) que «d’une époque à vomir,
l’histoire dira ce qu’il faut retenir». L’histoire de la chanson, elle,
sait déjà qu’il faut garder une place à part pour
Manset. **************************************************************************************
Retour de l’énigmatique Manset:
Manitoba ne répond plus, son 19e opus
06/10/2008 - Bertrand Dicale
A
l’heure où la crise du disque frappe de plus en plus les artistes,
Gérard Manset demeure un cas à part en
totalisant pas moins de dix-neuf albums dans la même maison de disques
(EMI). De plus, le chanteur se paie le luxe de décliner toute
invitation à la télévision et de sélectionner les rares médias où
il viendra se confier. A l’occasion de la sortie le 15 septembre
dernier de son nouveau disque Manitoba ne répond plus, Manset a répondu
favorablement à l’invitation de RFI Musique. Quatre
décennies que Gérard Manset cultive sa face mystérieuse. L’homme qui
n’est monté qu’une seule fois sur scène
comme batteur, a toujours préservé son image. Il n’apparaît jamais à la
télé, les photos qu’il donne lui-même à la presse sont livrées au
compte-goutte. Culte, mythique, sont les qualificatifs qui
lui collent à la peau. Son premier 45 tours, Animal on est
mal sort en 1968, mais c’est en 1975, qu’il se révèle au public
avec Il voyage en solitaire. La Mort d’Orion (1970), Royaume de
Siam (1979), Comme un guerrier (1982), Lumières (1984),
Matrice (1989), Revivre (1991) ou La vallée de la
paix (1994), font partie des albums les plus prisés par ses
adeptes. Pour
ce dix-neuvième album, Manitoba ne répond plus, Manset a accepté de
nous donner la réplique.
Parmi les sujets abordés, ceux qui lui tiennent éternellement à cœur
comme les voyages, l’innocence, l’enfance mais aussi certains qu’il
prend un malin plaisir à rendre tabous ! On pense
en premier lieu, à son rapport avec la scène. Se produire en concert a
toujours relevé pour lui de l’impudeur. Aujourd’hui, cette idée a l'air
d'avoir fait son chemin et on se prête à entrer dans le
rêve, celui où Manset aura attendu le XXIe siècle pour chanter enfin
devant son public. Autre thème sacré, celui de ses textes (son
"matériel", comme il l’appelle), interprétés par ses pairs. Gérard
Manset a longtemps estimé que les chanteurs lui "empruntaient" ce
fameux matériel, mais qu’il n’écrivait pas pour quelqu’un en
particulier. En 2008, il accepte l’idée d’être un auteur à part
entière. A
l’image du titre qu’il a recréé sur son livret sous la forme d’un
rébus, le pays de la liberté,
Manset est une énigme. Un logogriphe que l’on a plaisir à décoder.
Propos d’un chanteur étrange qui nous fascine depuis quarante ans.
La
chanson
"Comme un Lego" ouvre le nouvel album de Gérard Manset, "Manitoba ne
répond plus", qui paraît le 15 septembre. Il l'a écrite et Alain
Bashung l'a créée, en mars sur son disque Bleu Pétrole. Un Manset
n'est jamais innocent. Il y a du bruit dans le monde, des
aéroports pleins, "des taxis réservés, des hôtels occupés à l'année par
les baby-boomeurs, ma génération", celle qui
part en voyage organisé. "Parallèlement, une faune globalisante est
apparue pour qui le touriste solitaire est une proie facile. Il y a
vingt ans, les gens étaient radieux, aujourd'hui, ils sont
méfiants. La grâce s'est perdue", ajoute, en souriant, celui qui est
longtemps passé pour un être glaçant.
Qu'il est bon de recevoir un peu d'oxygène de temps en temps » La chanson choisie pour représenter l'album à la radio est "Ô Amazonie", qu'il ne faut pas
une seconde imaginer écolo-militante et dont un extrait donne son titre à l'album : "Manitoba ne répond plus/ Il s'est brisé les ailes/ Contre un amas de bambous/ Il s'est cassé debout."
Et puis cette magnifique conclusion : "Au fond de forêts étendues, Amazonie/ Comme une page à moitié lue." Aucune
apparition en scène, peu de photos qui le représentent,
l'écrivain-musicien-photographe, artisan solitaire de tous ses disques,
est un exégète rigoureux de son œuvre - "mon cheptel", dit-il. Le
berger voyageur est aujourd'hui apaisé. "Je prends davantage
de plaisir maintenant, je suis en règle avec moi-même." Mais il corrige
en disant qu'il était "déjà vigilant" au temps des albums Lumières
(1984) ou Matrice (1989). MINETS DU DRUGSTORE La
maturité lui "est tombée dessus" et c'est bien. "J'ai voyagé quinze ans
sans guide, sans
références préalables. Aujourd'hui, je m'endors tranquille, serein,
parce que j'ai vécu tout cela. C'est uniquement par ce que l'on a
découvert seul qu'on peut avoir la sensation de la
quiétude." Ravi,
badin, Gérard Manset, 63 ans, détaille alors sa découverte il y a dix
ans de la
cathédrale de Brasilia dessinée par l'architecte Oscar Niemeyer, qu'il
imaginait grande, avec escalier à gravir. "En fait, elle était
minuscule sur la grande esplanade, comme un tipi d'Indien.
Il fallait au contraire descendre des marches et là on était inondé de lumière !" Le voyageur solitaire est né à Saint-Cloud, il a grandi à Paris dans le 16e
arrondissement, il a porté, et porte encore, des blousons de daim qui
étaient la marque de la bande des minets du drugstore, aux
Champs-Elysées. La mèche et le sourire large. Il
a étudié
les arts décoratifs, les langues orientales (thaï parfait et khmer
acceptable). En plein Mai 68, il a publié Animal, on est mal, pendant
que d'autres s'adonnaient au lancer de pavés. Manset est
pourtant très politique dans sa défense des innocences, des mondes
perdus, des charmes - celui de l'Asie par exemple - qui donnent le sel
au monde. Il
est politique aussi, parce que libre. Il ne veut pas qu'on écorne son
oeuvre, attention
aux mauvais exégètes, ne pas s'y risquer. Il connaît tout sur la Mort
d'Orion (1970). Il a déjà retiré du circuit public ce qui ne lui
plaisait pas, refaçonnant ainsi le visage du corpus
Manset. Il a mis des choses jugées inutiles au pilon, et
aggravé l'appétit des fans et des collectionneurs. Il se connaît. "Ma
voix couvre tout d'une sorte d'uniformité. Comme Jean Sablon,
on a vite l'impression que c'est la même chanson." Oui, mais, c'est du
Manset, avec ses ésotérismes, ses coquetteries, ses envolées. Depuis
qu'il est serein, Gérard Manset "donne" des chansons à d'autres. "J'ai
commencé ma
carrière ainsi, en écrivant un album entier pour Herbert Léonard. Puis,
je suis devenu trop singulier. Il a fallu attendre Matrice pour que mon
univers puisse être compris en tant que
tel." Parallèlement à Manitoba ne répond plus, la Fnac
édite un livret contenant les textes des chansons offertes à d'autres :
Alain Bashung, Julien Clerc, Raphaël, Florent Pagny, Jane
Birkin, Philippe Lavil, et puis ce formidable Je jouais sur un banc,
dont s'est emparé l'ogre Juliette Gréco :"Aimez-vous les uns les autres ou bien disparaissez ! Sans faire de bruit,
sans faire de vague" (2004). "CHANSON UNIVERSELLE" La
conversation devient un hymne à Alain Bashung. "Vous avez vu ce qu'il a
fait avec ma
chanson Vénus (enregistrée pour Bleu pétrole) ? Neuf minutes de poésie,
de musicalité pure, novatrice. C'est un artiste idéal." La musique est
matière. Vénus est restée chez Bashung (musique d'Armand
Mélies). Comme un Lego est revenue chez Manset, en tête de liste,
"porte fermée, obscure qui permet d'entrer de plain-pied dans
l'ésotérisme, le surréalisme concret, à la façon des montres molles de
Dali". Car
la construction de Manitoba ne répond plus est forcément pensée,
rigoureuse. "Dans un
jardin que je sais, est une chanson sur le calme, la poésie, avant des
visions plus terribles avec Pays de la liberté. Aux fontaines j'ai bu,
est très casse-gueule, prête à basculer dans le sirop, au
bord d'Adamo. Genre humain, est un titre très personnel, intime. Ô
Amazonie est une chanson hybride, universelle. On finit sur le rêve, Dans mon berceau,
j'entends." "Je suis quelqu'un du paradoxe",
poursuit Gérard Manset. Il n'est jamais monté sur une scène. Il a
failli y arriver, après la sortie d'Obok en 2006. Il a répété. " J'ai
aujourd'hui assez de matériel pour
chanter en scène : Ô Amazonie, Fauvette, Jardin des délices. Je ne me
voyais pas chanter en scène l'album Matrice, sauf un titre peut-être,
ni Il voyage en solitaire, tout en demi-teintes, debout
devant un micro." Si le métier du disque s'écroule, il ne
restera peut-être que la scène, analyse Manset. "Alors, je pourrai
aller balancer un concert entier d'inédits sur
scène. Mais j'ai encore du mal avec l'état civil et l'identité
d'artiste, qui est une vie de folie passagère, une peau de l'ours
difficile à assumer."
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"Manitoba", voyage serein en terre familière par Sylvain Siclier /Le Monde | 12.09.08 | Dix-neuvième
album de Gérard Manset depuis Animal on est mal, paru en 1968, Manitoba
ne répond plus c'est d'abord le sentiment d'être en
familiarité avec une oeuvre au long cours. Manset a pu la chambouler de
temps à autre (poussées très électriques de 2870 en
1978 et de Matrice en 1989) mais pas ici. Des violons, la voix
qui a fait de l'usage de la réverbération (effet qui donne de l'écho,
une ampleur) une part de son identité, et cette avancée dans la suite
des meilleurs moments d'Obok, disque de respiration
(Le Monde du 16 mai 2006), atténuant le Manset statufié en sombre maudit. Le
titre
"Manitoba ne répond plus" est sans doute un hommage à Hergé qui a
intitulé ainsi un album de Jo, Zette et Jocko (avec une seule petite
nuance : Manitoba précédé de l'article
le). En
8 minutes et quelques secondes, Manset débute son nouvel album avec
Comme un Lego,
chanson déjà explorée par Bashung. Une montée lente, de la sobriété
d'un piano et d'une guitare vers un orgue soul et des chœurs gospel. On
la souhaiterait presque pouvoir s'étendre à l'infini,
entrée fastueuse dans ce Manitoba de belle allure, sans perte
d'attention et d'intention. Dix
titres, pour la plupart dans le paradoxe d'une densité, d'un soin
d'écriture - textes et
arrangements - qui s'imposent par une sensation sonore de légèreté et
d'espace ouvert. Et quand le final de Pays de la liberté prend un peu
d'emphase, c'est pour mieux jouer du contraste avec la
rigueur d'une ambiance de blues des champs dans Aux fontaines j'ai bu. Au
cœur du disque, Genre humain, dans l'aveu de celui qui "s'est fâché
avec le genre
humain". Manset, homme du lyrisme, se tient vocalement entre cette
forme de parlé-chanté qui est sa marque et dans des modulations plus
rares chez lui, en un aigu qui
se brise. En bout de
piste de ce nouveau voyage, un piano, la voix, une guitare, un son de
cathédrale pour l'une de ses chansons les plus sereines, de plein
ravissement, Dans mon berceau j'entends.
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L'énigme Manset Olivier Nuc
16/09/2008 Voilà
quarante ans que Manset est un des artistes les plus mystérieux de la
chanson française. Au fil
des années, l'opacité autour du personnage s'est épaissie, faisant de
lui un des secrets les mieux gardés d'un domaine où la discrétion n'est
pas de mise. De lui, vous ne verrez ni photographie prise
à découvert, pas plus que vous n'aurez le loisir d'assister à une
représentation en public. En ces temps d'ultra médiatisation, le fait
que Manset puisse mener une carrière dans ces conditions
constitue un bel exploit. Pourtant, sa petite entreprise ne connaît pas
la crise, loin s'en faut. À l'âge où d'autres envisagent de se retirer,
de quitter le feu des projecteurs, il ne connaît pas
cette tentation, pour la bonne raison qu'il n'a que très peu côtoyé la
lumière. À 63 ans, Manset livre un nouvel album, au titre en forme
de clin d'œil à Hergé, Manitoba ne répond plus
(Capitol/EMI). Ces dix nouvelles chansons n'aideront nullement à
dissiper le mystère, mais elles combleront d'aise les fidèles qui
attendaient ce rendez-vous depuis la parution d'Obok, en 2006.
Depuis ce disque, Manset affirme écrire des chansons plus directes, en
vue d'une possible interprétation sur scène. Faute d'en donner
lui-même, Manset assiste de plus en plus aux concerts des
confrères depuis quelques saisons. On a ainsi aperçu lors d'un des
superbes concerts donnés par Alain Bashung à l'Olympiaau printemps dernier. La rencontre entre ces deux-là, qui semblait inévitable, s'était produite
quelques mois plus tôt, lorsque Manset accepta de signer plusieurs chansons pour l'interprète de La Nuit je mens. Pour
ce dernier comme pour de nombreux chanteurs français, Manset
fait figure de référence. Il fut l'un des premiers à produire ses
enregistrements lui-même dans son studio personnel, anticipant
largement une manière de faire devenue courante. Cette
année, Manset a également écrit deux chansons pour Julien Clerc, mettant ses pas avec bonheur dans ceux de feu Roda-Gil. Manitoba
ne répond plus survient donc dans un contexte différent
des précédents Manset. On y retrouve tout ce qui fait le souffle des
grands disques du bonhomme : écriture stupéfiante, sens aigu de
l'observation… Mais
aussi tout ce qui en rend
l'écoute plus ardue aux néophytes : orchestrations si datées
qu'elles en deviennent touchantes, voix si peu conforme aux canons.
Au-delà de ces caractéristiques, ce qui interroge le plus avec
cet album, c'est la volonté de Manset de se réapproprier sa chanson, Comme un Lego, dont Alain Bashung a donné une version indépassable sur Bleu Pétrole. Manset se serait-il soudainement
découvert un ego ?
Manitoba ne répond plus, un nouvel album plus lumineux pour
Gérard Manset. Quarante ans de carrière et un statut de chanteur culte qui ne se contente plus d'écrire pour lui,
mais aussi pour Julien Clerc, Bashung ou Raphael... « Ce grand auteur qui a une place si importante dans la chanson française... »,lâche Julien Clerc.
Alain Bashung n'est pas en reste dans les compliments. Les meilleures
chansons de leurs derniers albums sont signées Gérard Manset. Avant, il
y a eu Birkin, Indochine, Gréco, Raphael... Comme si les
plus grands noms de la chanson d'ici succombaient à sa plume.
Il est temps... Son premier album date de 1968 et son grand tube,
Il voyage en solitaire, de 1975... Depuis, en une quinzaine de disques,
Manset s'est construit une oeuvre unique, brillante,
poétique, philosophique, peuplée de paradis perdus comme pour mieux
épingler le monde d'aujourd'hui.
« Les capitales sont toutes les mêmes devenues/Aux facettes d'un
même miroir/Vêtues d'acier, vêtues de noir/Comme un Lego, sans mémoire », chante-t-il encore dans son nouveau disque.
Et Le pays de la liberté est « untémoignage, du bas-fond des égouts », commente-t-il . Pourtant, Manitoba ne répond plus est peut-être bien le plus lumineux de ses
albums.
« Je trouve ça très impudique »
Un avis qui semble le surprendre: « Peut-être qu'il est plus serein, plus doux, moins agressif », s'interroge-t-il. Il admet que « la violence de certains thèmes »puisse être
atténuée par les cordes et surtout par le (magnifique) piano de Serge Perathoner (ex-pianiste de Berger): « Il a un toucher assez british, avec pas mal de doigts. »
Il concède que ce disque soit plus personnel:
« Peut-être, il y a l'âge (63 ans) qui permet d'atteindre des niveaux de sensibilité, de sensation, que n'ont pas les plus jeunes... »
Il accepte d'y voir davantage de chansons d'amour que d'habitude.
«Oui,Dans un jardin
que je sais, c'est Aphrodite. Et Quand une femme, c'est presque un tableau de Vermeer, ou de Corot, je préfère. »
Des femmes et aussi des enfants, comme cette incroyable rencontre, dans
Genre humain, entre un homme à la dérive et un Gavroche, sur de lents
accords de guitare: « Alors nous avons bu, tout un litre
de vin/En as-tu une aussi, de petite catin?/Ou d'amoureuse brune, il en
avait une/Il en avait aussi, dans la poudre de lune. »
Manset ou la magie de l'écriture. Manset qui continue d'alimenter son rêve-cauchemar de donner des concerts:
« Oui, j'ai répété pour la scène. Et j'ai vu Bashung à l'Olympia. Il y
a des moments ou les musiciens sont tellement magiques qu'ils apportent
vraiment quelque chose. Le problème, c'est que je trouve
ça très impudique. Il faudrait qu'il n'y ait aucune image, que la salle
soit dans le noir et assez profonde, que je sois au fond ! »
Michel TROADEC. (Ouest-France)
"Manitoba ne répond plus". 10 titres. Capitol.
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Gérard Manset - Manitoba ne répond plus
Plus froid et dépouillé que le
lumineux et charnel Obok, sorti il y a deux ans, Manitoba ne répond
plus, remarquablement équilibré, convainc à mesure que
l’auditeur déchante.
Selon l’écrivain Richard Ford,
« ce qui est beau ne peut être déprimant ». Comment le
sentiment du beau pourrait-il en effet s’accompagner d’un
sentiment de tristesse, une tristesse sourde et poisseuse qui plus
est ? Question et contradiction apparente qui se posent à l’écoute
du dix-neuvième album de Manset l’Obscur.
Manitoba... s’ouvre sur "Comme
Un Lego", mélopée déjà immortalisée par un Bashung vocalement souverain
sur le consensuel Bleu Pétrole. L’interprétation que
Manset en donne apporte la fragilité et les modulations qui manquaient
à la version légèrement monolithique du vieux lion alsacien. Ses
chœurs-éclairs, que ne renierait pas Leonard Cohen, pourraient
cependant donner des haut-le-cœur à plus d’un auditeur. Cette relecture
sensible nous dit mieux le tragique et le comique d’une vie d’homme et
l’uniformisation d’un monde oublieux de son passé. Nous
parvenons ensuite “Dans Un Jardin Que Je Sais”, morceau
métempsychotique à l’atmosphère de sereine veillée funèbre. À quelques
lieues de là, le bien nommé “Pays De La Liberté”, énième paradis perdu
(« j’ai marché j’ai marché j’ai marché et je n’ai rien
trouvé... ») nous donne à entendre un Manset décomplexé. Le vieil
homme qu’il a toujours été nous gratifie de quelques acrobaties
vocales : inflexions cabreliennes sur le savoureux « grand
coup de pinceau » et aigus qui se brisent contre la digue de la
nécessité physiologique.
Le swing léger de “Sur Les Fontaines J’ai Bu”, agréable au demeurant,
n’étanchera guère notre soif de profondeur. Malgré les synthés kitsch,
véritable marque de fabrique du spectre clodoaldien, et
quelques rimailles (« sous un petit coussin/doux comme un
mocassin »), “Quand Une Femme” émeut, tropisme
hétéro-julio-clercien aidant. Le sibyllin « ce sont des choses
inconnues
qu’elle avait oubliées » fera sans nul doute frémir le poéticien
du ballon rond pour qui « c’est toujours le meilleur qui
gagne ». Arrive alors “Genre Humain”, climax de l’œuvre pour
d’aucuns, avec qui le légendaire misanthrope affirme étrangement s’être
fâché ; une ample et vénéneuse mélopée que l’on rangera au côté de
“Comme Un Lego” dans le tiroir « ‘Desolation Row’
sous Prozac ».
Le plus rock “Voulez-vous savoir ?” permet ensuite une respiration
bienvenue et un rééquilibrage des forces en présence avant le troisième
temps fort du disque, “Ô Amazonie”. Classique et
dépouillé, il distille une mélancolie qui colle littéralement à la
peau. « Manitoba ne répond plus/Il s’est brisé les ailes/Contre un
amas de bambous/Il s’est cassé debout » geint le sieur
G.M. de sa voix à la couleur blafarde si caractéristique.
Atmosphère, voix et paroles au diapason. Le froid nous gagne. De
l’extérieur, le “Pavillon de Buzenval” n’excite guère l’envie et
pourtant il y fait doux vivre. L’album se referme magnifiquement sur
“Dans Mon Berceau J’entends”, ballade au piano exhaussée par quelques
accords de guitare bien choisis.
Manitoba..., pour être vecteur
d’une tristesse sourde et continue, n’en est-il pas moins beau ?
Inutile de convoquer ici le sublime cher à Kant ou Burke.
D’aucuns sont confrontés à la même problématique avec le
« plongeur de l’émotion » Léo Ferré. Nous pourrons au moins
nous mettre d’accord sur un commun sentiment du beau même si sa
compagnie nous est pénible. Le fait qu’une œuvre, aussi belle nous
semble-t-elle, suscite chez nous exaltation ou abattement n’est pas
anodin ; on y peut voir un critère déterminant du jugement
de goût. Une création dont on a le sentiment qu’elle augmente notre
puissance et favorise ainsi l’expansion de notre être, possède
vraisemblablement une valeur supérieure, à moins d’être un sectateur
de la mort lente par injection mansetopathique. Il n’existe évidemment
pas de Vérité ; des "formes tristes" peuvent faire naître
l’allégresse et des "formes gaies" l’envie de faire seppuku.
Une vérité se cache dans le lien qui se tisse, au fil du temps, entre
une œuvre qui est, une fois pour toutes, et un auditeur, doté d’une
organisation pulsionnelle particulière, qui n’est que devenir
avant d’être cadavre. Le lien singulier et premier ainsi tissé puis
exposé, Manitoba ne répond plus se révèle, la contradiction prise en
charge, un ensemble à la fois beau et déprimant dont certains
préfèreront simplement se délecter les jours de ciel sans nuage.
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Son dix-neuvième album: Manset chez Jo et Zette
Le rocker énigmatique chante un nouveau voyage et livre une part de son mystère
Paroles, musiques,
orchestrations, mixages. Manset a tout fait, comme d'habitude. Et même
bricolé dans sa cuisine la pochette : une pièce de puzzle sur fond de
carte astronomique que l'ancien étudiant des Arts déco a ramassée sur
un trottoir. On peut y déchiffrer un rébus : «Pays de la liberté»,
morceau de bravoure qui aurait dû donner le titre de son
dix-neuvième album en quarante ans. Manset avait aussi songé à «Comme
un Lego» avant de choisir enfin «Manitoba ne répond plus», emprunté aux
aventures de Jo, Zette et Jocko. Une réminiscence de
lecture d'enfance, une image d'avion accidenté dans la jungle, sans
doute confondue avec «l'Ile noire» ou «l'Oreille cassée», qui lui est
venue en écrivant «J'ai survolé la piste, Amazonie». Comme
une trace de ses voyages sur le grand fleuve qu'il a remonté en pirogue
de Tabatinga à Iquitos, et dont il a vingt fois parcouru les rives
brésiliennes, péruviennes et colombiennes.
Lorsque je lui demande d'éclaircir le jeu de piste, Manset livre un
rébus inédit de «Manitoba ne répond plus» : soit une cacahuète en
espagnol (mani), un lac de Sumatra (Toba), un noeud (ne), une
raie manta (ré), le Pont des Arts (pond), le signe + (plus). Qui
révélerait bien les obsessions de l'homme invisible du rock français,
misanthrope passéiste et nomade rebelle.
De Buzenval à Manaus, en dix chansons qui font la part belle au rock,
Manset poursuit sa quête d'un paradis terrestre évanoui. Explore
l'oubli, le silence et le bruit. Des enfants couverts de bleus,
les pavillons de banlieue, les bungalows de nulle part, les mensonges
des tropiques, l'ombre des forêts, les cris des singes dans le
lointain, les femmes inconnues, les odeurs de pluie, les rumeurs
de la nuit.
Pour lui, tout disparaît, tout a été remplacé. «Les
capitales sont toutes les mêmes devenues/ Aux facettes d'un même
miroir/Vêtues d'acier, vêtues de noir/Comme un Lego, mais sans
mémoire.» Le paysage est bouché, restent quelques poches épargnées. Mais «les Brésiliens d'Orfeu Negro font aujourd'hui leurs courses dans les mêmes super marchés que ceux de la
porte d'Auteuil.»
Alors Manset, en vacances à perpétuité, de retour du Laos, pose son sac
dans les beaux quartiers, arpente la ville jusqu'au petit jour.
Rencontre un fugueur de 12 ans,
vagabond irréductible avec lequel il part en vadrouille et qui est son
propre reflet. «Son prénom, c'est le mien/Quand je me suis fâché/Avec le genre humain.»
Ce qui serait
grandiloquent chez d'autres frôle ici le tragique. Après l'errance, le
repos du guerrier solitaire. L'album se clôt par ces derniers vers :
«Dans mon berceau j'entends/ J'entends chanter le vent/Dans
le fond de mon rêve/Comme un bouton d'or/Qui n'a que le soleil/Et le
vert des arbres/Et le bruit des feuilles/Et le chant de la vie.»
L'entendra-t-on un jour sur scène, comme il nous l'avait promis ?
«Il faudrait oublier son âge, que les années s'accumulent. Mais je n ai
pas renoncé à croire qu un mec nouveau allait se réveiller.»
«Manitoba ne répond plus», par Gérard Manset, EMI
François Armanet
Le Nouvel Observateur - 18/09/2008
Mélodies enivrantes, textes raffinés, Manset le solitaire nous revient à
l'improviste.
Plus puissant, plus proche.
On ne l’attendait pas et il est apparu, douzième album d’un chanteur
discret, mais finalement prolixe, qui trace sa route dans l’ascétisme
médiatique.
Disque surprise, donc, mais pas surprenant, et dont il émane un parfum
assez fascinant. C'est Manset tel qu'en lui-même, les mélodies
minimales et répétitives, le chant plaintif et lancinant.
Débarrassé des tentations rock qui l’avaient alourdi ces derniers
temps, renouant avec les chansons hypnotiques de six ou huit minutes,
où la voix, poussée parfois au bord de la rupture, nous pousse
à notre tour dans son tourbillon de mots raffinés et enivrants. Manset
dit, chante, demande dans des suppliques entêtantes : « Mais c'est où ?
Mais c'est où ? »
Et on le suit, parfois malgré nous, fâché avec un monde qui l’effraie,
nostalgique d'un ailleurs perdu ou fantasmé. Rêve d’Amazonie mais
cauchemar angoissé des villes mécaniques : l'album s'ouvre sur
une chanson écrite pour Bashung (Comme un Lego), et la version qu’en
donne Manset est encore plus tendue, puissante quoique fragile -
puissante puisque fragile. A 63 ans, celui qui fut longtemps
distant avec son chant glacé se fait soudain très proche. Étonnamment
émouvant.
Julien
Clerc dévore quelques sushis, entouré de son équipe dans les locaux de
sa maison de disques. Quelques mètres plus loin, Gérard Manset règle
les détails d'une séance photo qu'il veut brève et réussie. Le chanteur
n'aime pas montrer son visage. Alors il cherche un angle,
une lumière, afin de laisser Julien sur le devant de la scène. Mais
c'est finalement Julien Clerc, toujours aussi professionnel, qui
sonnera la fin de la séance.
Depuis
leurs débuts en 1968, Clerc et Manset n’avaient jamais travaillé
ensemble. Mais cette fois, ils ont franchi le Rubicon. L'auteur de «Il
voyage en solitaire » signe deux textes sur « Où s'en vont les avions?
», le nouveau disque du chanteur de «Melissa». Complices
ayant suivi des voies parallèles, ils ont traversé quatre décennies de
chansons et de chanteurs, n'ont jamais succombé aux modes et sont
toujours restés eux-mêmes. Il était temps de célébrer leurs
retrouvailles.
Un entretien avec BENJAMIN
LOCOGE-PARIS MATCH
Paris Match: Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?
Gérard Manset: Précisément? Non.
Julien Clerc: Nos disques sont sortis le même jour, le 9 mai 1968!
PM : Gérard, que pensez-vous de Julien ?
G.M.
:Je suis un inconditionnel depuis le premier jour notamment de ses cinq
premiers albums. Julien avait une voix phénoménale. Il y a deux mois
encore. je flemmardais à Monoprix et j’ai entendu “La cavalerie". J’ai
eu un choc. Je ne l'avais pas réécoutée depuis 1968. Il y a
une puissance vocale et une énergie incroyables!
J.C.
: Je sais que Gérard n'aime pas sa première chanson mais pour moi
“Animal on est mal" fut un événement. C’était la première fois qu’on
entendait un titre aussi étrange en France. Il y avait des cordes, un
travail sur la voix, un texte fascinant. Pour le son, il a
osé se frotter à un domaine que l’on croyait réservé aux Angle-Saxons
Pour moi qui apprécie l'angle des chansons, il était novateur.
PM :Après 1968 vous prenez deux chemins
très différents, Julien, vous allez vers le public, vous partez en tournée. Gérard, vous préférez vivre caché !
G.M.:
Je n'avais pas la voix de Julien. Et il y avait une espèce d’ovni qui
s'appelait Antoine. Vocalement j’étais plus proche de lui que de
Julien... J’avais réussi à bricoler ma chanson, à maquiller certains
défauts pour rendre tout cela présentable. Si j’avais été
complètement cinglé, je serais monté sur scène. Aujourd'hui, quand je
vois certains artistes qui sont là depuis trente ans et chantent
toujours sans réellement s’améliorer, je me pose des questions.
Moi, j‘ai le sentiment de ne bien chanter que depuis la fin des années
80, avec mon album “Matrice".
J.C.
: Tu n’as jamais eu la volonté d'aller sur scène. Mais l'amélioration
que tu as constatée sur tes disques, tu l‘aurais sans aucun doute
ressentie en concert. Aujourd‘hui. c’est une période rêvée pour la
scène, la technique a tellement progressé. C‘est fort dommage que
Gérard ne se lance pas. Il serait plus attendu que jamais
G.M.: Oui, mais j'ai toujours eu une certaine aversion pour le public. Donc
cela n'aide pas!
[Julien Clerc explose de rire.]
Dans
les années 70, on était quand même noyé par les Dalida, Claude
François.
C’était en permanence paillettes et flonflons Et les gens allaient les
voir comme s'ils allaient voir Brel ou Nougaro. Je trouvais ça très
gênant.
PM : Vous êtes trop élitiste!
G.M.:
Je n'ai rien contre la chanson populaire, je suis le premier à adorer
Charles Trenet, qui plaisait à tous les publics. Non, le problème,
c’est que je voyais tout le monde exécuter un grand écart, aller aux
concerts de l'un puis de l’autre. Je suis désolé, on ne peut
pas tout aimer sans distinguo. Ou alors on est complètement débile.
J.C.
: Je ne suis pas d'accord avec toi. Sans vouloir être élitiste, j‘ai le
sentiment d'avoir fait de la chanson populaire en essayant de cultiver
l’accessible et le poétique. Quand “Salut les copains” a pris ma
carrière en main, elle est partie dans un sens différent de ce
que j'imaginais, mais je ne peux pas m’en plaindre.
PM : Julien, auriez-vous pu être un chanteur
anonyme?
J.C. : Je ne pense pas, mais je comprends totalement la démarche de Gérard,
parce qu'elle est cohérente et sincère.
G.M. :
Mais je trouve ma position inadmissible! Je suis une sorte
d'anormalité car j'aurais dû rester auteur-compositeur. Or personne
n'aurait voulu de mon matériel à cette époque. C’est pour cela que je
me suis mis à chanter... Presque par erreur. Et le fait de ne
pas se montrer n'était pas raisonnable. Mais on ne se refait pas En
2006, j'étais prêt à monter sur scène, j'avais les musiciens, la salle,
les dates, je n'avais plus qu'à signer le contrat. J'ai
demandé une nuit de réflexion. Et j'ai fait marche arrière.
J.C. : Ça, Gérard, j‘ai l'impression que c'est de la peur...
G.M. : Oui, mais je suis très serein quand je vois tous ces artistes qui
courent après leur unique succès. Eh bien, moi, tout va bien, parce que je n'ai jamais été acclamé !
J.C. : Pardon? [Nouvelle crise de rire.]
G.M.: Ah, tu ne t'attendais pas à ça ? Toi, tu l'as toujours été, donc
tu t'en sors bien. Mais celui qui l'a été et qui ne l'est plus, eh bien, il est désespéré, très mal.
J.C.
: Ce n’est pas une question d'être acclamé, c'est une question de
prendre du plaisir, d'en donner aux autres. Tu passes à côté de quelque
chose. "Tu as écrit deux, trois titres qui sont dans le panthéon des
chansons françaises, tu as largement de quoi faire un
spectacle qui ne fera pas chier les gens Et en plus, tu vas prendre ton
pied !
PM : Aujourd’hui les disques se vendent de moins en moins.
Pensez-vous que vos albums respectifs seront les derniers?
J.C.
: Je ne connais pas mes chiffres de vente mais Bertrand de Labbey, qui
gère ma carrière depuis mes 21 ans, a tout fait pour que je sois
désintéressé des questions matérielles. Il m'a appris à penser à l'acte
artistique, à ne pas être dans l’immédiateté.
PM : Vous pouvez affirmer cela car vous êtes dans une
situation plus que confortable
J.C. : J ‘ai eu la chance de pouvoir “faire l’artiste", je le reconnais Je ne
me suis occupé de rien.
G.M. :
Un certain nombre d’entre nous ont la chance de pouvoir s'appuyer
sur des épaules solides. Ils sont peu nombreux, et cela n'a pas été mon
cas. Julien possède un public et un passé qui font que tout ne va pas
s'arrêter demain pour lui. Je suis dans une situation
similaire, et encore ! Mais les jeunes auront plus de mal... Et puis
soyons honnêtes, nous pouvons faire un bel album pour 30000 euros,
alors que beaucoup de disques ces derniers temps ont coûté
300000 euros, et on a foutu le pognon par les fenêtres !
PM : Que pensez-vous de la nouvelle
scène française ?
J.C. : On est dans une phase “rive gauche”, des bons textes,
des histoires du quotidien, mais cela manque cruellement de mélodies.
On dirait que les Beatles n'ont jamais existé! Certains s'en sortent,
comme Benjamin Biolay et Martin Rappeneau,
parce qu'ils sont meilleurs que les autres.
G.M. :
Moi, je crois que l'on manque de jeunes! J'attends des mecs de 16
ans qui savent écrire, qui ont la niaque. Aujourd'hui, ils arrivent
tous trop tard, ils ont 30, 35 ans, c'est mou... Il faut arriver à 15
ans ! Le seul qui m'ait donné une sensation
d'auteur-compositeur ces trente dernières années, c'est Renaud. Lui au
moins apportait quelque chose, il était neuf. Tous les matins, il avait
une idée, une chanson, un truc. Dans le même genre, il y
a Jean-Louis Murat, mais qui peut le suivre dans son repli
problématique et volontaire ?
PM : Quand Johnny annonce ses adieux à la scène, vous
sentez-vous concernés? :
J.C. : Sa carrière est une grande réussite, il a pris des risques à chaque
rentrée de scène. Mais ses adieux. je n'y crois pas
G.M. : Impressionnant! Ce type m'a toujours impressionné, c'est
invraisemblable que, pendant cinquante ans, il soit resté un monument
J.C. : Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu'il a chanté, mais il en a
tellement fait...
PM : Êtes-vous nostalgiques des
années 70 ?
J.C. : Pas du tout, je vis avec mon temps, je constate malgré tout un recul
de la culture, et cela me fait de la peine...
G.M.
: Moi, je suis totalement nostalgique. Je n'aime pas l'époque dans
laquelle nous vivons. Ce n’est la faute de personne, c’est lié à la
démographie et à la technologie, mais je préfère les classes à 25
élèves, les villes où l'on peut garer sa bagnole".
Un titre en forme de clin d'œil à Hergé pour un voyage
plein de détours.
Publié dans le Temps, 20 septembre 2008 par Olivier Horner
Gérard Manset. Manitoba ne répond plus.
(Capitol/EMI).
Dans
le sillage d'Obok (2006). Gérard Manset redonne enfin de la voix. Ces
derniers temps, l'éternel poète marginal préférait donner des nouvelles
par le biais d'interprètes: Julien Clerc, Bashung, Raphaël, Michel
Fugain ou Florent Pagny. Avec Manitoba ne répond plus, on reprend goût
à son chant en apesanteur qui semble contempler la désolation
du monde. Moins
dramatique que Le langage oublié,
Manitoba... suit la voie aérienne et lyrique tracée par Obok. Mais la
gravité, chevillée à Manset, ne rôde jamais bien loin. A commencer par
«Comme un lego», entrée en matière sur notre triste
condition. Une comédie humaine à qui Bashung a déjà merveilleusement
jeté un sort sur Bleu Pétrole. Et que Manset décline de façon plus
dépouillée, avant une emphase finale sur fond de chœurs
gospelisants. Chez Manset, les orchestrations sonnent toujours un brin
datées. Flirtant avec les limites d'une variété avariée. Mais
celui qui fuit la médiatisation s'en tire grâce à une écriture lettrée,
chirurgicale et onirique; de belles cordes, guitares
et réverbérations aussi. Sa science de l'observation panoramique, qui
fait référence dans le paysage francophone, se traduit ici par quelques
perles sublimes: l'intimisme sombre de «Genre humain», le
nomadisme solitaire d'«Ô Amazonie». Un brin moins sibylline qu'un
temps, sa plume flâne de rêve («Dans mon berceau j'entends») en
cauchemar («Le pays de la liberté»), de quiétude («Dans un jardin que
je sais») en frémissement («Quand une femme»). Et finit de ravir par
son souffle long.
Retour à la sobriété et aux éclats d'antan pour un génie qui s'était
perdu en route. parAURÉLIANO TONET pour VOLUME N° 5 (Nov. 2008)
Ce n'est
pas encore Obama, mais Gérard Manset bénéficie depuis quelques
saisons d'un curieux momentum dans le vaste paysage
des variétés françaises. Adoubé par les plumes les plus fines (Jean
Louis Murat, Dominique A) comme par les plus rustres (au hasard,
Francis Cabrel), Manset s'est semble-il décidé à sortir de son
splendide isolement. La liste de ses récentes collaborations
donne le tournis : Raphaël, Juliette Gréco, Julien Clerc, Jane Birkin,
Alain Bashung... Bashung auquel il a offert le
magnifique Comme un Lego, pièce maîtresse de son dernier album
Bleu pétrole que Manset lui reprend pour ouvrir Manitoba ne répond
plus, son plus bel opus depuis des lustres. Non que
Manset fasse autre chose que du Manset : verbe haut et fier, claqué par
une voix légèrement fatiguée, d'autant plus touchante
dans l'élégie, murs de guitares sèches, qu'humectent quelques claviers
et chœurs timides, constructions syntaxiques singulières, toutes en
chiasmes et inversions baroques (Aux fontaines j'ai
bu, Dans mon berceau j'entends) ... L'album s'écoute comme une
variation sur des pistes maintes fois par lui balisées :
l'humanité courant à sa perte, Manset la fuyant comme il
peut, voyageur amoureux, promeneur sylvestre, rêveur cauchemardé ...
Bien sûr, on reste assez loin des chefs-d’œuvre de jadis (La Mort
d'Orion en 1970, Y a une route en 1975), mais l'inspiration est belle
et bien là, mélodique, mélodieuse (Ô Amazonie). "Pourquoi
ne me réponds-tu jamais/ De ta retraire, sous ton arbre ?" Manitoba ne répond plus, mais Manset, lui, répond présent, et nous avec.
VIVE LA LIBERTE (MAGIC n° 123- Sept.2008) par Erik Arnaud
À dix jours de sa sortie le 15 septembre on sait enfin à quoi
ressemblera le nouvel album de Gérard Manset toujours aussi avare en
informations.
Originellement baptisé Le Pays De La Liberté- tout un programme en ces
temps liberticides -, le disque s'intitule finalement Manitoba Ne
Répond Plus. Un nouveau clin d'œil géographique cette fois occidental
de la part de ce grand voyageur, plus coutumier de l'Asie que du
Canada. S'ouvrant par Comme Un Lego - chanson offerte à Bashung sur son
récent Bleu Pétrole qui est portée par un texte magistral -, ce
dix-neuvième LP poursuit le sillon exploré par ses derniers opus en
particulier Obok (2006)
Définitivement incomparable, la production ne renonce à aucun tic de
réverbération et fait figure de curiosité extrême en 2008. La voix est
toujours là, et interroge parfois le monde « Ô Amazonie qu’es-tu
devenue/Avec tes grands arbres nus » A l'image de la pochette, l'album
voyage d'un continent à l’autre et déambule sur Genre Humain dans les
rues de Paris. Avec, cette nouvelle parution Manset va-t-il tenir sa
promesse de monter sur scène, comme il l'a lui-même annoncé il y a deux
ans ?