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du formulaireCLASSIC ALTERNATIF BEST OF (2015)
MANSET
SE REVISITE LUI-MÊME par Christophe Gstalder (paru dans les Échos; novembre 2015)
MUSIQUE : Ce sont
les Rois mages de la chanson française:
Bashung, Christophe et Manset. Alain a disparu non sans avoir laissé une version sublime de Comme un
Lego de Gérard. La
jeune génération leur voue un culte. L’ange Doré (Julien) et Christophe
multiplient les duos dont un fabuleux Corbeau blanc pour les
50 ans de France Inter. L’archange Raphaël a chanté Toutes choses en
duo avec son mentor; sur le
dernier album de Manset «Un
oiseau s’est
posé». Aux dernières Francofolies, il a consacré l’intégralité de son concert à l’œuvre. L’album («Raphaël revisite Manset») sortira fin novembre. Mais on n’est jamais aussi bien servi que par
soi-même. Manset, qui ne laisse rien au hasard, entend bien rester entièrement
maître de son catalogue sur lequel il veille avec un soin jaloux. Il en est
ainsi depuis les origines. Dans ce nouvel album, double, il opère un choix des
morceaux phares de ses trois derniers albums originaux («Le
Langage oublié», «Obok» et «Manitoba ne répond plus») et de l’album incontournable d’auto-reprises de 2014, «Un oiseau s’est posé». Le choix est plus que judicieux, on ne le
remettra pas en cause. On saluera en revanche Rimbaud plus ne sera un
inédit et une nouvelle version d’Animal on est mal, morceau culte,
sorti… en mai 1968. Le nouvel album de Manset est prévu en mars 2016. On en
reparlera. QUATRE QUESTIONS À
GÉRARD MANSET : « The Classic 2015
Alternatif Best-Of » de Gérard Manset puise aux sources de ses quatre précédents
albums ( «Le Langage oublié », « Obok », « Manitoba ne répond plus » et « Un
Oiseau s’est posé».)L’occasion d’une brève explication de texte par l'artiste
lui-même. Les Echos : D’où vient ce titre, « Rimbaud plus ne sera » et
quelle en est l’inspiration ? Gérard Manset : Cela
fait partie des allitérations ou des surprises qui quelquefois ne veulent pas
dire plus mais qui s’imposent, à la tournure née de l’instinctif. Et en réalité
Rimbaud veut dire plutôt le Roméo des galanteries perdues d’un siècle qui veut
tout dire, tout expliquer, et en réalité par ce désenchantement amène à des
relations stériles. Les jeunes filles maquillées, celles qui mâchent du
chewing-gum, se croient des reines à la sortie des BEP et fument sur les
trottoirs, vulgaires, mal éduquées par des parents qui ne savent plus lire et
se veulent modernes. Les Echos : Écrit quand ? G.M : Cela remonte à
quelques années, l’album Manitoba, ou encore en amont ? Obok ? Je ne sais, j’en
ai beaucoup, de ces repentirs ou de ces essais multipliés par les relectures et
les hésitations, un jour blanc un jour noir, un jour peut-être et un jour gris,
le lendemain ensoleillé. Les Echos : Pourquoi aujourd’hui ? G.M : Pour la
pertinence décalée de ce qui va disparaître, car Rimbaud ou Verlaine bientôt
reclus dans les bibliothèques destinées aux censeurs, à la paléontologie de
l’écrit. Les Echos : Comment avez-vous travaillé cette version
inédite d’ « Animal » ? G.M : Elle fait partie
des plus ou moins multiples trouvailles retaillées ou diluées. Avant que dEUS
ne reprenne le titre sur Un oiseau s’est posé, j’imaginais qu’ils en feraient
du solide, du rock, quelque chose de glorieux, mais ils ont préféré les tons
pastel et la simplicité d’une ritournelle presque anémiée. Bon ? C’était joli,
gentil, mais j’avais ma version et les audio-files d’origine, 1968, gardés
comme on conserve quelque trésor sous l’oreiller. Voilà, j’ai secoué tout ça et
j’ai placé un nouveau texte au bout, strophe nouvelle inédite qui parle du
temps… en m’amusant de me retrouver aussi gamin et inventif tout de suite,
gouaches découpées de Matisse, iconoclasterie des dilettantes.
Gérard Manset présente son "classic alternatif best of"
Par Jean-Francois Lixon (Culturebox; 27/11/2015)
L'auteur-compositeur
français Gérard Manset publie " 2015 the classic alternatif best of ",
un album de deux CD rassemblant 19 chansons déjà connues et une
inédite, "Rimbaud plus ne sera". Un premier Best of était paru en 1999.
Il revisite aujourd'hui ses quatre derniers albums et rajeunit son
premier succès, "Animal on est mal" qui date de 1968.Gérard
Manset vient de publier une nouvelle compilation chez Warner Music. Il
l'a curieusement nommée en franglais "2015 the classic alternatif
best of". Alternatif (et non alternative) sans doute parce que ce
nouveau choix des meilleures chansons suit à belle distance une
première sélection intitulée "Manset Best Of" et sortie en 1999. Mais
c'est un trompe-l'oeil. Parce que cette fois, Manset ne nous invite pas
à revisiter ses 47 ans de carrière. Son choix se porte sur des chansons
figurant sur ses quatre derniers albums : "Le langage oublié" (2004),
"Obok" (2006), "Manitoba ne répond plus" (2008) et le très particulier
"Un oiseau s'est posé" (2014).
La substantifique moelle Il
en extrait ce que nos professeurs de philosophie appelleraient la
substantifique moelle. Ce que, selon lui, il faut en retenir
aujourd'hui. Dix-sept chansons nous reviennent telles qu'elles furent
livrées à l'origine. Parmi elles, deux piliers incontournables, la
tendre et désespérée "Fauvette" et "Comme un lego" qui fut aussi
interprétée par Alain Bashung sur son dernier album studio "Bleu
pétrole" en 2008. Cinq chansons sont extraites de "L'oiseau s'est
posé". Cet album paru en 2014 et qui, déjà, proposait de nouvelles
interprétations de chansons anciennes mais en compagnie d'autres
artistes. Et
parce qu'avec Manset, c'est toujours le désir qui commande, le double
album recèle deux curiosités qui vont pousser tous les aficionados du
voyageur solitaire à faire au plus vite l'emplette de ces nouvelles
galettes. Une version nouvelle d' "Animal on est mal ", ce drôle
d'objet musical surgi de nulle part en plein mai 1968 et un inédit qui
doit son titre à sa sonorité : "Rimbaud plus ne sera ". Curiosité "Animal,
on est mal" a perdu les cris d'animaux qui l'ouvraient et la
refermaient. La chanson a gagné en clarté et en vigueur grâce notamment
à un extraordinaire dernier et nouveau couplet. Il illustre le chemin
qu'a parcouru Gérard Manset depuis 1968. Ces quelques mots nouveaux
montrent un homme de 70 ans surgissant dans une chanson écrite à l'âge
de 23 ans, qui se retourne sur sa vie et qui en saisit soudain la
vanité. Un résumé de toute l'oeuvre de l'artiste. "Rimbaud
plus ne sera" permettra aux auditeurs fervents d'attendre l'année
prochaine puisqu'un nouveau Manset avec son lot de chansons inédites
est déjà annoncé. Tentons une expérience simple Voici
une expérience assez simple à tenter en société. Prononcez le nom de
Gérard Manset dans une conversation entre amis. Parmi ceux qui
connaissent le nom de ce chanteur français, auteur et compositeur de
toutes ses chansons depuis 1968, vous noterez deux réactions. Il y aura
ceux qui vous répondront qu'ils n'ont pas envie d'écouter cette musique
dépressive. "Manset, c'est triste!". Et puis il y aura les autres. Qui
se reconnaîtront entre eux. Ceux-là forment la petite cohorte des
admirateurs, souvent inconditionnels. Ils sont les premiers à se
précipiter dès qu'un nouvel opus de l'ermite voyageur est annoncé dans
les bacs. Pour ceux-là "ça ne peut pas être triste, tellement c'est
beau"! Et
chacun d'entre eux se délectera avec ses pareils à défendre son album
ou sa chanson préférée, chacun évoquera son désarroi de ne pas
retrouver en CD telle oeuvre qu'il avait tant aimée sur vinyle et que
l'artiste a un jour reniée, chacun se mettra à fredonner ces paroles
lancinantes qui évoquent les voyages, la guerre, la banlieue nord, les
jardins ou les minuscules destins écrasés.
La pochette La
très belle pochette sombre de "The classic alternative (sic!) best of"
s'ouvre comme un triptyque cartonné recto-verso et propose de
nombreuses et minuscules images prises par Gérard Manset photographe.
Lui qui est aussi écrivain et dessinateur illustre toujours ses
pochettes et ses livres d'images personnelles, mais très rarement et
plus depuis longtemps de photos le montrant. Ce sont des bribes de
moments, comme souvent ses vers le sont aussi. Des objets, un parc, des
fruits ou ses lunettes de soleil au pied d'une statue que l'on devine
asiatique... Traces Manset
n'offre de lui-même que les traces qu'il choisit, qu'elles soient
écrites, dessinées, photographiées ou chantées. Il refuse de figurer
sur les plateformes de streaming et ne donne que de rares interviews
interdites de podcast. Il ne rencontre que les journalistes en qui il a
confiance, ce qui se résume à deux ou trois confrères et consoeurs de
France Inter ou Télérama. Il confie en 2014 à ce dernier magazine qu'il
est "fait de 50% de tristesse et de 50% de sagesse". Il nous y surprend
également en assurant que c'est d'Alain Souchon qu'il se sent le plus
proche dans la chanson française (alors que certains voient un
cousinage avec Jean-Louis Murat qui est à Gérard Manset ce que Pascal
Obispo est à Michel Polnareff). Manset
continue en solitaire son voyage en marge du showbiz entamé quand les
pavés volaient dans les rues du Quartier Latin, un chemin qui lui a
valu le respect d'un public fidèle. Il l'aura conduit du royaume de
Siam au jardin de Buzenval, en passant par la banlieue nord, la Mer
Rouge, l'Amazonie, Siem Reap et la place Maubert. Ce public fervent a
pris son parti de ne jamais voir Manset sur une scène. L'artiste
considère l'exercice impudique. On pourrait ainsi le résumer en un
oxymore : Gérard Manset, une absente présence.
******************************************************************************************************************** Gérard Manset The Classic 2015 Alternatif Best of / Les Inrockuptibles (16 Déc 2015) Le nouveau Manset compile des œuvres anciennes, et c'est déjà très bien.
Rageons
de ne pas nous voir offrir un vrai nouvel album : écrites, composées,
orchestrées, chantées, produites et sélectionnées par l'un des rares
aventuriers de la musique hexagonale, et l'un de ses plus énigmatiques
mythes, ces vingt chansons reviennent sur les quatre derniers albums
studio en date de Manset, désormais septuagénaire. Plus que sa capacité
à revisiter ou ordonner son œuvre, ou un talent iconoclaste à faire
imploser la trop ancienne lune du refrain/couplet, on saluera ici sa
fidélité à une esthétique, et à une équipe réduite de compagnons
d'harmonies. Ainsi que son obsession à reprendre en permanence ses
pinceaux, comme en témoigne le travail sur le texte de "Comme un Lego",
sensiblement modifié depuis la création de Bashung dans "Bleu pétrole".
Quelques raretés agrémentent naturellement le menu, entre
réenregistrement, inédit ("Rimbaud plus ne sera") et version scandée et
abrasive "d'Animal on est mal".Tube initial. Autant de nouvelles gemmes
d'une œuvre considérable.
En attendant un prochain album studio, Gérard Manset remet en perspective son travail effectué depuis le début du siècle. Un vrai faux best-of à l'image de son auteur : en constante réinvention. Par Philippe Ragueneau / KR Home-Studio n°313 (Janvier 2016) Le
voilà donc, le Manset millésimé 2015. En attendant un
album véritablement inédit, que la rumeur nous promet pour 2o16,
une (nouvelle) compilation nous arrive qui, si elle ne prétend pas
réellement au statut de greatest hits, s'amuse à faire comme si. C'est
d'ailleurs écrit en toutes lettres, dans un intrigant méli-melo de
français et d'anglais : « the classic alternatif best of ». S'y ajoute
une année, « 2015». Comme pour bien préciser le caractère ponctuel de
la sélection. Sélection qui se différencie des exercices précédents :
pas de « il voyage en solitaire» ici, pour ne parler que du morceau le
plus connu de l'artiste... Mais de l'ouvrage récent, sinon dans la
composition, du moins dans l'enregistrement. Soit deux CD, vingt
titres, nous donnant à entendre le Manset du XXIème siècle, mais pas
seulement : certes, chaque titre - à un inedit près, le beau « Rimbaud
plus ne sera », dix ans après avoir écrit « Être Rimbaud • pour Raphaël
- provient de l'un des quatre albums sortis depuis l'an 2000: Le
Langage oublié (2003), Obok (2oo6), Manitoba ne répond plus (2008) et
enfin Un oiseau s'est posé (2014). Mais les oeuvres du siècle d'avant
ne sont pas pour autant oubliées, Un oiseau .., après tout, étant
lui-même composé de titres anciens réenregistrés, parfois avec la
participation d'artistes tiers (dEUS, Mark Lanegan, Raphaël, Axel Bauer
). Et c'est ainsi qu'on retrouve sur cet Alternatif best of, un «Lumières
»et un « Entrez dans le rêve », enregistrés initialement en 1984, et
présentés ici dans leur version 2014. Idem pour « Train du soir » (1981 pour l'original, titré « Le train du soir»), « Revivre » (1991 pour l'original), « Matrice » (1989) ou «Genre humain » (2008).
Les métamorphoses...
Ces
précisions, ces jeux de dates pourraient paraitre anecdotiques. Or
c'est tout le contraire. Car s'y reflète la singularité d'une
discographie jamais figée : depuis l'avènement du CD - et avant la
chute de ce format - l'approche de Manset
vis-à-vis de la réédition de ses enregistrements passés prend à
contre-pied les usages. Quand il est habituel d'aborder un
enregistrement original comme «intouchable », auquel, en cas de réédition,
on acceptera tout au plus de revoir le mastering, peut-être le mixage
si celui-ci a souffert de défauts initiaux, et d'ajouter quelques
bonus, versions demo), bref de quoi constituer d'honorables sorties
Deluxe, Gérard Manset, lui, semble considérer ses chansons, bien après leur
enregistrement, comme des works in progress, que l'artiste peut
retoucher, justement, réorchestrer, ordonner d'une nouvelle manière,
éditer, réenregistrer ou jeter aux oubliettes. Exemple quand, à la fin
des annees 1980, Manset se penchera sur ses anciens albums, il en
redéfinira les contours, décidera ce qui mérite de revenir au format CD
ou ce qu'il n'est pas nécessaire de garder. Ainsi l'oeuvre paraît-elle
régulièrement remodelée et, d'une certaine manière, reinventée
-ajoutons qu'a l'ère du tout numèrique, elle est absente des services de
streaming, et que si l'on peut la télécharger légalement sur des sites
comme Qobuz ou iTunes, cela ne concerne que les albums sortis depuis
2003, et pas les autres compilations déjà publiées... Le best of 2015
tient de cette logique, jusqu'à un point inattendu l'ultime titre de
cette compilation n'est rien d'autre que « Animal on est mal », version
2015 (avec ajout d'un couplet final) du morceau inaugural de la
carrière de Manset, sorti en 1968. Une chanson monstrueuse, au bestiaire
robotique, qui permet d'entendre le Manset d'aujourd'hui - 70 ans
depuis août dernier - faire sa mue inversée, et redevenir chrysalide «
II faut refaire ce que l'on aime», chante Manset sur le titre «Revivre».
On ne saurait mieux dire. À son oeuvre, enfin, l'artiste semble
appliquer le principe d'élaboration des souvenirs, voulant qu'ils se
reconstruisent lorsqu'ils sont évoqués, avant de se fixer. Pas de temps
linéaire, donc - ce qui explique en partie cette discographie aux
allures de jeu de piste -, mais une métamorphose constante. A une époque
où l'on garde une trace de tout, figé dans son instant, pour ne rien se
rappeler, un anachronisme plus que précieux. Le poids des mots Économe
en confidences, Gérard Manset se livre à l'occasion à de véritables
interviews au long cours... Pour mieux comprendre l'artiste - et
l'homme -, on ne saurait trop conseiller de relire les deux très longs
entretiens que l'artiste avait accordés aux Inrocks, l'un en 1991, à
Arnaud Viviant , l'autre en 1996, à Richard Robert. Gérard Manset
y parle de son travail en studio, de l'industrie du disque, de poker,
de Ferré ou de Brel, de son goût pour les arrangements de cordes et des
synthétiseurs qu'il dut se résoudre à utiliser pour «des problèmes syndicaux».
Surtout, il y évoque le travail réalisé en compagnie de Bernard
Estardy. Un bel hommage à une figure essentielle des studios
d'enregistrement, disparue il y aura bientôt dix ans.