MANSET : ANIMAL DÉCORTIQUÉ 


La presse et les journalistes donnent leurs avis, font des interviews, critiquent en profondeur ou à la va-vite, en font parfois des tonnes ou racontent des histoires sans grand rapport avec la musique ou le disque qu'ils ont sous les yeux, donc je propose ma vision de l'oeuvre de l'animal en toute subjectivité, chacun y piochera ce qu'il souhaite et aura envie de se faire sa propre opinion en écoutant, retours acceptés avec plaisir.

CRITIQUES CHRONOLOGIQUES :

1968 : Ceci est le premier album de Gérard Manset. Il ne porte pas de nom et on l'appelle, donc, Gérard Manset, ou bien encore Manset 68  ou Animal On Est Mal. Ce disque date de 1968 dans sa première version,  montrant un Manset en train de fumer, l'air songeur. En 1971, Manset rééditera ce disque en supprimant Pas De Pain et en mettant trois autres titres à la place (12 titres au lieu de 10, et autre pochette), Golgotha, L'Arc-En-Ciel et La Dernière Symphonie. Ordre changé pour les morceaux, ce n'est plus Je Suis Dieu, mais Animal On Est Mal, qui ouvre le disque. Déjà, en 1971, Manset commençait à modifier son répertoire, à modifier ses albums, et ce n'est que le début ! L'album dure dans les 31 minutes dans sa version 1968, et dans les 39 minutes dans sa version 1971. Les deux versions sont pour moi assez proches au niveau de l'ambiance, on voit que cela s'est fait avec des moyens très limités, une production très peu professionnelle avec la voix trop en avant et la musique au fond dans un coin, comme pour presque s'excuser d'être là; tout cela manque de cohésion et une écoute suffit à comprendre pourquoi Manset a choisi en quelque sorte d'oublier cette partie de son oeuvre; on zappera très vite et on passe à la suite.

LA MORT D'ORION : Porté aux nues par les uns, franche rigolade pour les autres ce concept album spacio-médiévo-progressif me laisse assez indifférent avec ses envolées symphoniques lorgnant vers la musique classique, une sorte de rite de passage entre le premier album rempli de tics très "chanson française" avec tout ce que cela a de péjoratif et une volonté de se débarasser des poncifs ou références imbuvables (cordes dégoulinantes, choeurs plus ou moins psychédéliques, voix extérieures, orchestrations à la papa) avant d'attaquer la montagne rock'n'roll par la face Nord (illumination ? Vision quasi divine ? Révélation ou conversion après l'écoute d'un Dieu quelconque ? Qui sait ?....) Je zappe

LONG LONG CHEMIN : Troisième et dernier disque du chemin de croix, tous les titres seront par la suite mis au rebus par Manset jugeant ces balbutiements indignes de figurer sur une quelconque compilation, ce que je partage absolument. On trouve bien les prémices de ce vers quoi Manset va évoluer ( l'oiseau de paradis, ou donne moi qu'on peut à la rigueur sauver du naufrage), mais le reste est à oublier, d'ailleurs l'auteur a parait-il détruit les bandes originales afin de ne pas céder à la tentation de ré-éditer ça un jour en CD ou remastérisé comme c'est à la mode aujourd'hui; next !!

Y'A UNE ROUTE : 1975, les vraies affaires commencent et de quelle manière !! Face 1, piste 1 : "Y'a une route" et la base de l'oeuvre est posée; avec une telle fondation, l'édifice va pouvoir s'ériger et ne pas craindre les tremblements de terre. Ambiance Kérouac (Sur la route) et la beat generation, tout est là en deux accords et quelques arpèges de guitare sèche, les images un rien surréalistes (le chien avec sa tête dans ses mains !!), les voyages (équateur, la brousse), Manset sort du chemin de terre (il y reviendra plus tard) et monte sur le macadam, c'est du solide, le chef de gare fait un signal à ceux qui vont monter dans le train pour le suivre....après la route faut prendre le train (du soir ?) et là tout le monde suit ou presque !!
Piste 2 : Il voyage en solitaire, là c'est pas facile....le tube planétaire qui va donner son envol à Manset jusqu'aux plateaux télé de Drucker ou Danièle Gilbert et le persuader s'il en était besoin que ce monde de bonimenteurs n'est pas fait pour lui. Fin de l'épisode et rejet total du système, on ne l'y reprendra plus. Hormis cela et en essayant de faire le tour de ce monument on peut être fasciné par la ritournelle assez proche de Lennon genre "Jealous Guy" avec ce grand piano qui résonne comme dans une église et ce type seul au monde, perdu dans cette ville tentaculaire, remplie de bagnoles avec un melon comme une citrouille avec cette histoire de "chanson est bonne". Accordons-lui le bénéfice du doute, une chanson dépouillée qui fera un tube par accident..
Piste 3 : On sait que tu vas vite; certifié rock'n'roll à 200% où se mêlent vitesse, chromes, choc des générations, voyage, et pour finir dans le fossé puis au cimetière....Live fast, die young !! Toute la furia du rock, "hope i die before i get old" dirait Pete Townshend avec l'enchainement sur le titre suivant "Qu'il est loin le temps devant nous"; réflexion douce amère sur le temps qui passe trop vite sans qu'on puisse en profiter à son maximum...et le suivant "Attends que le temps..." en remet une couche; une sorte de tryptique où les secondes qui passent vont petit à petit nous laminer (Vulnerant omnes, ultima necat); un thème cher aux poètes de tous temps.
On arrive ensuite sur "Un homme étrange" où Manset va nous parler de lui à demi-mots (né sous la mitraille....il est né en 1945 !!)  n'aimant pas la plaisanterie ni qu'on se moque de lui, avec son petit break jazzy et cette double voix omniprésente qui fait se téléscoper les mots entre les deux enceintes. Puis 33 secondes expérimentales (le verger du bon Dieu) avant d'aterrir sur "C'est un parc", sorte d'Eden - arche de Noé, où tout semble feutré et apaisé, comme dans du coton malgré les images fortes (orage, civière, chasseurs, piège) et la musique s'écoule comme une fontaine de jouvence avant de se terminer sur la reprise de y'a une route comme une chute de studio jouée dans un mange-disque sans haut-parleur avec des pistes audio passées à l'envers ou en décalé, le trip psychédélique sur 2 minutes anecdotiques.
Au bilan un disque déséquilibré alternant les moments de grâce absolus et les expérimentations assez incongrues qui plombent un peu la cohésion de l'ensemble mais la machine est sur les rails et Manset défile à 100 à l'heure sans personne pour lui faire de l'ombre dans le paysage musical français.

RIEN A RACONTER : Le malaise est perceptible, la suite d'Il voyage en solitaire se devait de prendre le contre-pieds du tube inattendu. En réponse à toutes les questions incongrues que tout le monde lui a posées (vous voulez dire quoi dans il voyage en solitaire ? Le voyageur c'est vous ? etc etc) Manset réplique avec ce titre choc "Rien à raconter", point final , foutez-moi la paix !
La face 1 démarre avec le moment d'être heureux, la recherche du Saint Graal, l'utopie, on sent Manset déboussolé par le succès d'"il voyage" et il le crie haut et fort dans sa première phrase "Quand on est malheureux...." mais tout cela passera et avec le temps reviendra ce moment d'être heureux lorsque les feux de la rampe se seront éteints; traumatisme quand tu nous tiens !! Le message est clair et ça va mieux en le disant. Reste une chanson trop lisse qui passe et qu'on oublie assez vite.
Piste 2 : La liberté; même si le concept est éculé, on a toujours quelque chose à sortir avec un titre comme ça, mais globalement ça reste une chanson faible, bouche-trou, guitare sèche, et qui aurait pu figurer sur l'album de 72, quelques vestiges d'un passé qu'on croyait révolu, c'est froid, terne et pas du tout rock'n'roll....
Cheval qui suit est lui beaucoup plus psychédélique avec ses chambres d'écho, son rythme haché et sa guitare wah-wah, malheureusement la mélodie a du mal à se faire un chemin, et les paroles restent de peu d'impact vue l'ambition de la musique; on oubliera facilement
Rouge-gorge, là c'est l'explosion des sens, la progression des instruments, l'envolée des cordes après le début minimaliste, la mélodie évidente légère comme un vol d'oiseau planant dans le ciel et l'intensité dramatique des images décrites, chef-d'oeuvre.
Rien à côté de la suite, arrivent les vases bleues (au féminin; c'est LA vase...) la suite d'accords du début (ces Ré majeur 7, Mi mineur 7) comme une invitation au voyage et la guitare distordue en contre-chant avant les nappes de synthés et le solo de guitare électrique qui assoient le mythe. Ce titre se retrouvera sur toutes les compil' futures et on comprend pourquoi, incontournable...
Rien à raconter ensuite, tout est dit dans le titre, paroles sans intérêt, le message on l'a devine avant d'écouter le titre, pas de surprise, tout est plat.
Puis la pie noire pour continuer la visite du zoo, guitare réverb' à fond, arpèges plombés, texte encore très suréaliste, décor peint en noir et ambiance quasi macabre, la recherche d'un Eden loin des villes et de la foule, anecdotique et expérimental.
Dernier titre : "Ailleurs" quasi Pinkfloydien, l'ombre de Syd Barrett plâne , avec les choeurs féminins, les prémices du Marin'Bar en conclusion, comme s'il présentait son passeport au guichet de l'aéroport et nous dit d'un signe de la main, je me tire loin d'ici, je reviendrai pas tout de suite, pendant ce temps oubliez-moi !! Production riche, cordes, section de cuivres, choeurs, solo de guitare aérien monocorde, à bientôt....

2870 : Deux ans plus tard, retour du maître, enregistré à Londres avec les musiciens locaux, rock'n'roll; ça démarre avec Jésus: à l'époque on pouvait en faire une chanson...s'adresser à lui directement en lui mettant sous le nez ses travers et ses errances, on a bien compris que la tasse de thé de Manset se situe ailleurs, lui et ses disciples, il ne kiffe pas. Musicalement c'est assez sommaire, ça martèle quelques phrases pour faire rentrer dans le crâne, pas un monument quand même.
Arrive "Le Pont" et là c'est le summum; intro guitare puis cordes, piano, du grand Manset, l'écho, la réverb', le texte asséné sur fond de distorsion, l'envolée magique, tout le monde est sur le pont de lianes, suspendu à 200 m au-dessus du fleuve, ça donne le vertige, le tournis...on veut courir pour traverser mais les pieds sont comme englués, scotchés par cette femme omniprésente et si loin à la fois. Ce pont a des fondations en béton avec son solo de guitare final, ébourriffant, impossible à passer en single en radio, mais à déguster tout seul !! Comme un single malt....
Un homme une femme, rien à voir avec Lelouch, ici Manset semble avertir une femme-amie des dangers de s'accrocher à l'homme en question, sur fond de guitare rock, le morceau reste moyen et ne fera pas partie des compilations futures.
Amis ensuite, chanson quelconque, plainte à l'accordéon ou équivalent ne passera pas à la postérité.
Suit 2870, 14 minutes de pur rock'n'roll, donne son nom à l'album, un peu comme si la légende d'Orion revenait sur le devant de la scène après un périple au fin fond du cosmos, délire quasi-progressif très proche du Relayer ou des Tales from Topographic Oceans de Yes, les guitares sont devant pour mener le bal, distordues, trafiquées, même en version réduite difficile d'en faire un 45 tours !!!
Le final " Ton âme heureuse" , après l'ouragan vient le souffle d'une brise pour calmer les esprits même si les guitares ont la part belle, à peine quelques rides sur un océan d'huile.

ROYAUME DE SIAM : La légende est en marche, cet album exemplaire de bout en bout ne souffre aucune demi-mesure, homogènéité du propos, titres forts, variés, griffés" Manset" dans toute l'acception du terme. Une sorte de mur porteur qui soutiendra l'ensemble.
Royaume de Siam, le titre; retour de l'Asie où il a passé de nombreux séjours, en forme de carte postale, instruments de là-bas, ambiance Bangkok telle que personne ne le connaissait à l'époque, loin des tours opérators et de la prostitution enfantine. Du riz, Bouddha et tout le monde est heureux.
Puis vient "Balancé", guitares saturées, texte en urgence, rock'n'roll urbain, vision de caillassage ordinaire, la banlieue telle qu'on la redoute, zone de non-droit prise par les gangs.
Retour sur la plage et le voyage : "La mer n'a pas cessé de descendre" l'être aimée est partie, la mer continue inlassablement ses allers et venues, nappes de synthés et guitare lumineuse, un classique !!
"Quand tu portes" explicite la paternité avec des mots très forts et très vivants, guitare sèche, nappes de cordes, basse qui mène le bal, l'équilibre fragile des sentiments. Très fort.
"La neige est blanche" , le titre aux sonorités proches d'"Il voyage en solitaire", le grand piano avec écho, réverb', Manset pur jus, le couple pris dans la tourmente du quotidien qui lamine les sentiments, la séparation, ambiance grise foncée, la vie.
"Fini d'y croire", sax et guitares se téléscopent sur fond de révolte et de nihilisme exacerbés, Manset résolu et amer, le constat est réél, l'urgence du texte se marie avec la musique, du grand art, rock haine roll attitude.
"Le Jour Où Tu Voudras Partir" Mélodie superbe, orchestration lumineuse, images fortes, rien à jeter
"Seul et Chauve", réflexion amère sur la mort, la chute, noirceur absolue, une intro à la Elton John, le piano omniprésent assénant des breaks lugubres d'intensité maximale, le tout souligné par cette guitare wah wah distordue qui en rajoute une couche, le final en apothéose avec ces "plus jamais, plus jamais...". Clôture et on repart se ressourcer en Asie du Sud-Est, la suite au prochain numéro.

L'ATELIER DU CRABE -  LE TRAIN DU SOIR : Comment dissocier ces deux-là, sortis la même année, on se prend à rêver que le double album aurait marqué la discographie d'une pierre majestueuse, sans doute les impératifs marketing de la maison de disques....!! Bref, l'atelier du crabe le morceau, ouvre le bal, riff  de guitares multiples doublé d'une section de cuivres un peu pompier façon défilé New Orleans, quelques flûtes plus ou moins incongrues, une musique d'atelier où chacun porte sa pierre à l'édifice, joue dans son coin et tente la cohésion. Le texte est plus ou moins enjoué, un joyeux bazar, ludique et bordélique et un final étrange avec les mesures de marchand de rêves comme oubliées au mixage, ou pas....enfin selon les versions !!
Il faut toujours se dire adieu écrit en 30 minutes, tube évident à la façon Manset, mélodie qui colle aux tripes, noirceur de mise, solo de flûte traversière (il a osé...), belle réussite qui fait mouche tout de suite, malgré un enchainement d'accords assez peu classique.
Manteau Rouge ensuite et là c'est Apocalypse Now, le voyage au bout de l'enfer pour les références cinéma, le Viet-Nam tel qu'on ne veut plus le voir, guitare façon Dire Straits, grand reporter en zone de conflit, l'Asie du Sud-Est, les cadavres et le napalm, comment oublier une fois qu'on est revenu à la civilisation ? La seule solution pour ceux qui vivent là-bas c'est de gré ou de force le Manteau Rouge, ce communisme à la sauce yeux bridés. Criant de vérité et de frustration occidentale.
Un saut de puce et on se retrouve dans les îles de la Sonde, vision paradisiaque, beauté à couper le souffle, la pêche, la mer à perte de vue, les cordes doublent la guitare pour marquer de leur empreinte le caractère onirique.Grandiose.
Retour en Europe, l'hiver n'est pas loin, rendez-vous d'automne, dès l'intro le piano martèle le rythme, la guitare en remet une couche, le synthé nappant le tout d'une tension malsaine. Le froid est là, mais la musique est brûlante, le riff transperce tout comme un rayon de soleil électrique avec en bout de course l'Amérique, Manset en Christophe Colomb pointant le doigt vers la terre promise et tout le monde le suit....
Marin'bar : dilemne ; ambiance de prime abord type Philippe Lavil qui tape sur des bambous, ce morceau aurait dû finir numéro 1 au top 50, mélodie aguicheuse, paroles presque transparentes mais Manset a finalement eu un peu de honte de proposer ça, un peu comme un "hidden track" perdu en milieu de face (pression d'EMI ??) , la preuve, le morceau ne sera réédité sur CD qu'à partir du Best Of de 1999. Pour l'atmosphère on situe l'action sur une île perdue de la Mélanésie, ex-possession des USA, type Guam, Marshall ou Salomon, la beauté locale, océanienne à la peau cuivrée qui vit de ses charmes pour nourrir sa famille, passe sa vie dans ce bar, mi ingénue, mi dévergondée; le tiers monde version Pacifique.
Le masque sur le mur, le chassé croisé entre l'Asie et l'Europe continue, mélodie entrainante, guitare séche et grosse basse, quelques cordes venant zébrer un ciel presque apaisé ou en nappes cotonneuses quand le ciel vire au rose; reste le texte avec un goût de dernière chance, le point de non-retour, la maison abandonnée, vidée de son contenu, des choses belles dispersées aux quatre vents, les souvenirs, les heures de joie, les carnets de notes, seul ce masque horrible venu d'on ne sait où comme un signe du destin qui ne génère que le malheur là où on l'accroche, bombe à fragmentation avant l'heure.
Musique dans la tête pour finir ce premier volet : Blues électrique mené tambour battant par une guitare mixée en avant, cuivres éclatants sur un texte désabusé, un musicien qui cherche à fuir le monde et tout qui s'écroule autour de lui malgré sa passion pour la musique.
Au final 8 titres magnifiques, Manset au sommet de son art et maîtrisant son univers sans aucune faute de goût, on en redemande....!!
Six mois plus tard voici que sort le deuxième volet de ce diptyque, "Le train du soir", 6 titres seulement, un peu plus inégal mais de facture intéressante. On débute très très fort avec "Le train du soir", le morceau, un rock échevelé, guitare en avant, piano omniprésent, rythmique automatisée, comme une locomotive à vapeur, lancée à toute vitesse sur les rails vers une destination inconnue, fumée noire, nuit noire, cherchant la femme ou essayant de l'oublier, le désespoir en filigrane, un classique.
Deuxième morceau et grosse surprise, Manset s'essaie au reggae (c'est l'époque qui voulait ça...); ici cependant pas de référence à la ganja ou à la Jamaïque et Jah, presque un chant d'espoir, une fenêtre sur la vie, ça reste malgré tout anecdotique dans sa discographie et heureusement.
Ensuite Les loups, rock urbain aux accents britanniques (rue de Londres), accords de guitare martelés, gros son presque hard rock, teneur politique ( terrorisme ? Montée des extrêmes ?), la peur est partout, solos abrupts, final en forme de défiance, de mise en garde, revendicatif et pragmatique.
Morceau suivant "Pas de nom", encore une surprise, morceau déjà connu, sorti en face B du 45t "Pas mal de journées.." avec son clavecin venu d'un autre temps, la voix avec son écho dédoublé, accents progressifs quasi Rick Wakeman, médiéval et atypique, sur un texte bien sombre et nihiliste.
5ème morceau : Marchand de Rêves, et là c'est le choc, près de 12mn d'une histoire en technicolor, Angkor et Angkor, le Cambodge, le bout du monde, 8ème merveille du monde. Sans doute le titre le plus abouti de Manset à tous points de vue, texte, musique, images, orchestrations, accords. Départ guitare électrique seule égrénant 4 accords somptueux qui mettent le frisson de suite puis les répétitions "Y'a plus personne debout...." sur des accords mineurs 7 presque au hasard sur le manche, les breaks, les avancées, les retours, les voix de choeur qui portent le message et lui donne un aspect quasi-onirique, la distorsion, qui est ce marchand de rêves (dealer, vendeur de came ?) , ce type que tout le monde déteste mais qui est toujours là où on ne l'attend pas et qui semble tout contrôler. Après son passage il ne reste rien, les rues sont vides jusqu'au prochain méfait. Ce morceau est une montagne indépassable, un must à écouter tous les jours pour sentir le talent et la perfection poussés à leur paroxysme. Rien d'autre.
Le disque se termine par "Pas mal de journées sont passées", sorti déjà en 45t en 1977 (??), boogie rock façon Status Quo à teneur politico-desespérée, fable plus ou moins écolo, idéal pour finir cette session. C'est avec ces deux disques que j'ai découvert l'animal Manset, depuis je le suis dans tous ses délires ou presque ...!!

COMME UN GUERRIER : Automne 1982, sortie de l'album, premier morceau, "Comme un guerrier", et on repart en Asie, l'Inde, la fuite en avant, la course contre le temps, la guerre, la barque, courir pour survivre dans ce monde hostile. Le morceau démarre sur une distorsion de guitare le long du manche puis piano et guitare à l'unisson, les mots déboulent comme assénés, lourds de sens, plombés par cette guitare distordue ou modulés par les envolées de cordes; mode mineur; puis changement de ton au refrain on passe en mode majeur comme pour éclairer le propos.6'30 à bride abattue, sans se retourner, les pieds dans la gadoue, la glaise. On sent l'indienne fatiguée de cette vie qu'elle espèrait meilleure, loin de ce trou paumé où elle a grandi quand elle a accepté de suivre l'étranger, l'occidental. Le final est plein de désespoir, (elle est morte...??), la guitare en élégie funèbre...
La Mer Rouge ensuite, couplet écolo-résigné, hommage à Henri de Monfreid, qui fit l'éloge de ce paradis sur terre, mais le constat de ce qu'il est devenu est plutôt amer, la civilisation touristico-low cost a tout pourri. L'orgue Hammond en chef d'orchestre apporte une touche nostalgique, une chanson d'une grande sensibilité et qui nous fait voir que la beauté de ces pays, autrefois se méritait, il fallait faire une expédition pour y parvenir, aujourd'hui la civilisation et les jets nous y emmènent en 3 heures mais le mystère et le charme ont disparu. Ça aurait dû être un tube, mélodie à tomber mais les paroles trop alarmistes ont eu raison des décideurs radios.
L'enfant qui vole ensuite, retour en Europe (quoi que...), l'école du cirque et son univers particulier; les heures de répétition qu'il fasse jour, nuit, le matin, le soir et les clowns tristes qui ne font rire personne, sorte de proxénète des temps modernes. Les feux de la rampe et l'envers du décor, les cordes qui tapissent le morceau ajoutent à la démesure de l'ensemble mais la chanson est d'une gravité qui fait froid dans le dos par-delà sa beauté.
Toujours ensemble : morceau bizarre, sorte de reprise du titre du Train du soir "Quand les jours se suivent" mais débarassé de ses oripeaux reggae avec un texte différent (du Manset pur jus...), et une orchestration plus classique, pas un mauvais choix mais l'effet de surprise est moins prononcé. Le texte semble une allégorie de la vie d'un couple qui se côtoie depuis des lustres, et même si l'amour est moins explosif leur choix de vie est plein de moments fantastiques.
Maubert : Plongée dans le métro et le Paris de 1982, station Maubert-Mutualité, ambiance glauque, rythme rock'n'roll style Bob Seger, la révolte façon tag, "marque donc sur le mur"....encore un excellent titre porté par des cuivres étincelants et un piano hors d'haleine. Fantastique.
La route de terre: l'homme est parti il y a si longtemps, on attend son retour, guitare sèche passée dans une chambre d'écho, réverb' à fond, on le voit, il va arriver, il est là, on le touche presque....le final de cordes, magnifique...poésie bucolique. Une sorte de suite à y'a une route....
Pour un joueur de guitare : retour à Paris, elle est partie, il reste seul avec son blues et sa guitare, l'amour perdu ne se rattrape plus. Guitare omniprésente bien sûr, piano monocorde, comme une toile aux nuances de gris sous toutes ses variantes, où la pluie les larmes se mêlent intimement. Le blues du solitaire.
Pour finir, l'épée de lumière, un texte assez nébuleux, hommage à Dark Vador et son épée laser (??), un rock porté par un sax en pleine forme et des cuivres qui font le job .
Au final un disque sans fausse note, rien à jeter ou presque, des moments de grâce absolus et des chansons qui vont forger la légende Manset. Régal.

LUMIÈRES : Album paru en 1984, ramassé et concis, 6 titres et qui démarre avec "Lumières" le titre pendant près de 12'; ça commence de manière classique, piano, guitares, boites à rythme (??) et le texte plongé dans le noir qui se demande vers où il faut se tourner pour y voir un peu; puis le refrain arrive avec sa chorale type petits chanteurs à la croix de bois, surprenant et inédit mais assez bien senti dans le contexte; quelques riffs de guitare spasmodique nous rappelant les fondamentaux. Manset parle beaucoup de son expérience personnelle dans ce titre (le lion secoue sa crinière...il est du mois d'août, donc lion), la photo de lui sur la pochette (en communiant ?) et de son rejet de la religion en général ...(perdu la lumière qui nous guidait...., la chorale....) . Un titre long, fort, mais on ressent certaines concessions sur ce titre, du genre je mets le prix pour avoir une chorale parce que c'est exactement ce que je veux mais en contrepartie je fais l'économie d'un vrai batteur pour une drum-machine un peu froide; restrictions budgétaires EMI (??)
Que deviens-tu ? Titre d'une beauté absolue, les paysages sont là, à portée de main, comme si on les touchait, l'auteur se remémorant une ancienne connaissance et son désir de connaître son parcours, où elle a posé son sac. Le solo de guitare poussé par les nappes de cordes, sublime, le final au violon nous porte au firmament. Reste cette boite à rythme....mécanique et sans âme !!
Finir pécheur (référence religieuse encore), boite à rythme (beurk), chanson d'espoir en ressassant le complexe d' il voyage en solitaire avec sa célébrité mal digérée, parler le moins possible parce que si on se connait et s'apprécie, qu'est-il besoin de le dire? Vivre au jour le jour, dans son coin de paradis, sa petite plage, sa barque, manger du riz des poissons (déjà dit plus tôt) sans savoir ce qu'il se passe ailleurs, surtout si ce sont des drames...
Vies monotones : Le prolongement d' il voyage en solitaire, grand piano tout seul comme dans un auditorium, ,quelques reminiscences Rolling Stones (si si), le solo de piano vers la fin a des côtés très "She's a rainbow" le texte se suffit à lui-même, pas besoin d'expliciter avec un titre aussi évocateur, la recherche des lumières, de convives pour partager...Magique.
Entrez dans le rêve : pas simple, ambiance batarde, genre Mark Knopfler a rejoint pour un boeuf Indochine....la guitare Dire Straits sur une rythmique façon l'aventurier, toujours boite à rythme incongrue....Le texte lui est noir au possible, le coeur du fruit et son noyau, les coups de rasoir, parfait pour le Top 50 au niveau format et musique mais les mots impassables en radio...et en TV (écran merveilleux ?? private joke !!)
Un jour être pauvre : Côté musique, ce sont les States, un peu country rock, basse bien présente, les cordes en fond d'écran
, passons sur la drum machine; côté texte le détachement complet des choses matérielles en point de mire, juste se concentrer sur les valeurs qui comptent vraiment, l'argent pourrit tout, l'utopie ultime.

Disque majestueux, varié, seule ombre ces boites à rythmes qui nous gâchent le plaisir (et sur le prochain ce sera pareil), un vrai batteur c'est autre chose que ce son métallique, comme un robot, qui va aussi bien à l'oeuvre qu'un pagne à un trader de la City.

PRISONNIER DE L'INUTILE : Un an après "Lumières" et déjà la suite des aventures, peut-être un peu précipité....globalement deux titres à mon goût un peu moins réussis, mais peut-être était-ce aussi une volonté de sortir ça avant de tirer un grand coup de chapeau ou de balancer une bombe en 1986 ("J'arrête tout !"). On démarre avec "Et l'or de leur corps", la passion pour Gauguin enfin concrétisée en musique, la période tahitienne, notamment " D'où venons-nous ?Que sommes-nous ?Où allons-nous ?", 1,40m x 3,75m, sorte de testament artistique du peintre rongé par la syphilis et les maladies, représentation du sens de la vie, les Marquises comme dernier endroit du monde, vision du paradis flouté petit à petit par la civilisation et l'occidentalisation. Le texte, déjà très sombre, trouve une ligne mélodique improbable avec sa suite d'accords mineurs (le Ré, le Fa en suivant), générant une sensation de fin de cycle, de bout du voyage. Ce sera le père d'Henri de Monfreid (tiens, tiens, ...) qui va en hériter; il est aujourd'hui au musée de Boston. Les prémices du cubisme et du fauvisme sont posés dans ces tableaux tahitiens de Gauguin, la passerelle incontestable avec les impressionnistes.
"Prisonnier de l'inutile", le titre, un des moments faibles du disque, ligne mélodique aux accents rappelant "Il voyage en solitaire", le texte centré sur un mot fort (trop fort), "inutile", les références à la religion (les croix, Dieu), on passe rapidement.
"Mauvais Karma" : L'accélération est majestueuse, dès l'intro, on est séduit, comme subjugué par cet espace de beauté, de lumière...cet accord de 7ème majeur, puis l'arrivée de la rythmique, la guitare en cocotte, les accords qui s'enchaînent, le texte totalement volontaire et décidé, à couper le souffle. Le côté ésotérique du Karma transpire ici de partout, la notion rapportée à la doctrine bouddhiste est difficilement interprétable dans nos sociétés occidentales où prévaut le matériel, le cartésien, le concret (en anglais concrete=béton), chaque acte de la vie aura un impact incontournable sur le déroulement futur de nos existences, et un "mauvais karma" va donc, par effet avalanche devenir un véritable handicap insurmontable.Mais le karma ne doit pas conduire au fatalisme. Le karma met les êtres dans une position et dans un monde donnés, l'important est comment les êtres se comportent à partir des conditions dans lesquelles ils sont placés. Nébuleux mais philosophique, un must !!
"Les enfants des tours" ensuite, 2ème titre quelconque ou presque, guitare plan-plan sans réél esprit de créer un son reconnaissable ou un gimmick d'accords étranges, juste un Mi-Ré-La, j'oserais dire "basique". Côté texte on est dans une banlieue ordinaire, ses barres d'immeubles, sa population plus ou moins métissée, et la conclusion sans réél espoir de changement, aucune chance...
Cinquième titre, on repart sac au dos direction l'Asie, encore et toujours, le routard sur les pistes, perdu entre le Laos, le Viet-Nam et le Cambodge, les hôtels pas chers où l'on passe une nuit en se demandant ce qu'on fait là, à l'autre bout du monde, alors qu'on pourrait être peinard dans son canapé en sirotant un gin-tonic dans un grand verre. Tapisseries qui se décollent, literie improbable plus ou moins hygiènique, néons blâfards, et la chaleur moite juste avant la mousson. Musicalement ça débute sur une série de percussions comme pour marquer le territoire, puis la guitare réverb' démarre son oeuvre, la batterie arrive (boite à rythmes encore ?? grr...) martelant le propos, quelques flûtes tourbillonnantes, comme sur des voies ferrées interminables, inarrétables...près de 8 minutes echevelées, le rock mansetien du meilleur cru.
Deux voiles blanches, chanson de marin mais côté nostalgique, pour ceux qui restent à terre quand l'homme est parti au large, c'est beau, c'est simple, avec un texte presque chuchoté, le piano délimite le tableau, les doubles voix qui se répondent comme un écho, seul bémol encore et toujours cette boite à rythme trop synthétique et inappropriée dans le contexte.
"Est-ce ainsi..." termine le disque, comme une ode au poète qui se retourne sur son oeuvre, au musicien qui se voit vieillir et pour qui la musique n'a plus le même attrait qu'autrefois, pourtant il lui semble que la vie, l'enfance était hier, presqu'à la toucher du bout des doigts. Une belle chanson nostalgique (pléonasme ??) pour finir le disque, sorte de testament que nous livre Manset quand on sait sa décision proche de tout arrêter ce cirque du show-business, et qui aurait pu apparaître comme une conclusion de sa vie d'auteur-compositeur-interprète. On sait aujourd'hui qu'il n'en fut rien et la source n'est pas prête de se tarir. Ce titre renvoie aussi au morceau "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?", poème d'Aragon mis en musique par Léo Ferré, une sorte de contrepoint, ou d'antithèse, de clin d'oeil tout en notes noires, ambiances fin de siècle ou fin de vie (de carrière ?), le parallèle semble évident.

MATRICE : Le come-back. Novembre 1989, le retour de celui que l'on croyait mort, perdu, parti pour toujours et on se demande ce qu'il va nous servir après 4 années d'abstinence auditive. Et le résultat est à la hauteur de l'attente...7 titres d'une concision, d'une beauté, à tomber à la renverse, alliant les rocks les plus rythmés aux complaintes les plus sensuelles, toujours les mêmes recettes mais repassées à la moulinette Manset avec des ingrédients d'une plus belle qualité encore. Un de ses chefs-d'oeuvre sans conteste possible.
On ouvre le propos avec "Matrice", le titre, la recherche du paradis, du jardin d'Éden, des guitares partout, la Fender Stratocaster en chef de file, le saxo qui tapisse les chorus en haletant, la montée de gamme comme si on sautait dans le vide au bord du précipice...Le final vocal avec sa voix de tête, où l'on a l'impression qu'elle n'ira pas au bout du morceau, sur le fil du rasoir, échevelé, ébouriffé, moment d'anthologie !!
Avant l'exil, et la pression redescend après les 6.20 de la précédente, rythme assagi, mais des guitares partout en trame de fond, des sèches, des électriques, un peu la suite d'"Un Jour Etre Pauvre" tant au niveau mélodique que lyrique, prêt à franchir le pas définitif et laisser le monde des hommes pour celui de l'ermite. Mais ceux que l'on aime et qui restent là-bas sont difficiles à oublier et nous retiennent encore ici-bas...La batterie finit par arriver, vivante, humaine, assénant ses coups comme autant de pointes acérées qui nous transpercent le coeur et résonnent dans le cerveau.
Fille des jardins, ensuite ...jardin d'Éden (??), où est ce paradis, ce nirvana, ces filles voilées, qui n'ont pas froid aux yeux, accueillantes et ouvertes comme un petit fruit gorgé de soleil, elles sont là mais désormais elles ne nous reconnaissent plus....comme étouffées par quelque doctrine obscure ou religion ultraprotectrice ...hélas toujours d'actualité..!! La musique nous guide avec des guitares étourdissantes à chaque coin de sillon, des chorus tranchants comme des cimetères sur des tapis de cordes envoutants, un conte des mille et unes nuits...
Solitude des latitudes, on pense tout de suite aux grands espaces canadiens, le grand Nord glacial et le Klondyke, la ruée vers l'or, aventures et espaces vierges, s'endurcir et apprendre la vraie vie face aux éléments inhospitaliers (Belliou, Croc-Blanc) puis la référence à Hannibal et ses éléphants de Carthage tentant de traverser les Alpes pour dominer Rome (tous mourront de froid lors de cet épisode), ou comment il est impossible à l'homme comme à l'animal de survivre dans ces conditions extrêmes. Le froid, la nuit, les terres inhospitalières, et la voix chevrotante, comme un cri d'alarme montrant les limites à ne pas dépasser.
Camion bâché : Guitare hurlante dès le début, le décor est planté, paré pour le drame, le camion déglingué, modèle hors d'âge tout en acier et tôles, suintant l'huile et le cambouis de partout, (on pense alors à Montand et Vanel dans "Le Salaire de la peur" ), ce père qui s'enfuit avec son enfant en bas âge, pour en avoir la garde ou parce que sa mère a été tuée par la guerre....jusqu'à cette catastrophe au coin d'un tournant, le virage manqué, le ravin, la rivière en contrebas, les arbres autour, la mort du chauffeur et le passager seul au monde qui ne comprend pas ce qu'il se passe. Une suite tragique au "Comme un guerrier", cette course inutile vers le bonheur qu'ils n'atteindront jamais, 8 minutes d'intensité maximale, un titre référence.
Toutes choses : Beauté à l'état brut, guitares qui se répondent entre chorus et rythmique, nappes de claviers sobres, presque pas de batterie, la dilution absolue de la matière dans le néant qui nous entoure, le Lavoisier des temps modernes ou la chimie ré-interprétée en mode explication de texte.
Pour terminer, Banlieue Nord, ancré dans la réalité du quotidien, hélas présent dans toutes les mémoires, Paris, sa banlieue, ses ghettos et sa faune bigarrée, zone de non-droit où plus personne ne se risque, ni ne revendique quoi que ce soit. Quelques mots nous rappellent le concret et ses absurdités incontournables (enfants des îles, filles sans foulards, les enfants qui jettent des pierres), les ethnies, les religions, le caillassage, l'intégration, la décolonisation....sur fond de crasse et de misère noire, la débrouille ou la mort, survivre en écrasant les autres moins forts. Les guitares lancinantes et qui semblent matraquer ce texte noir, boostées par une basse omniprésente, comme une surenchère dans la gravité, quelques virgules distordues de ci de là, bien aigües, bien aiguisées. Que reste-t'il sinon l'appel à un hypothétique Dieu, quelle que soit sa couleur ou sa localisation, même si l'espoir est ténu. 5'50 pour voir le tiers-monde à nos portes, kamikaze !!

REVIVRE : Repartir sur la route, prendre la piste, direct vers les tropiques, après l'épisode "Matrice" centré sur la condition humaine en Europe et son mal-être, il décide de nous emmener voir ailleurs si c'est meilleur ou pire. Moins bon que son prédécesseur (trop vite ??) qui alliait l'urgence et le rock "close to the bone", il reste de grands moments de poésie et la patte du maître inimitable.
Tristes tropiques pour commencer, la référence à Claude Lévi-Strauss, l'anthropologie à portée de main, la forêt amazonienne et sa démolition programmée, les Indiens repoussés aux limites du supportable, mais au-delà de cette évidente allusion, un plaidoyer pour le droit à la différence, le panurgisme jeté aux orties et si on n'y prête garde nous serons nous aussi un jour ces Indiens décimés, condamnés à vivre en solitaire à l'écart de la civilisation. Côté musique, c'est magnifique, retour de la batterie, la vraie, qui fait vibrer les peaux et dresser les poils, la mélodie au départ facile se change en boucles asymètriques du plus bel effet, et le texte colle au plus près de ces volutes audacieux. Le solo final de guitare déchire l'air comme au début.
Chant du cygne : la mort en filigrane, l'ascension vers un paradis hypothètique, tel le ludion dans son tube de verre qui monte et qui descend selon la pression exercée, les états d'âmes aléatoires. La guitare partout, omniprésente et la batterie qui cogne son tempo martial.
Le Lieu Désiré : Ça commence sur un gimmick d'orgue qui n'est pas sans rappeler "La Mer Rouge", mais plus dépouillé, et puis la mélodie semble ivre, parcourant la portée sans but précis, retombe sur ses pieds, trébuche, rebondit, lente progression , sorte de clochard sur son banc, sans but ni futur avec son passé pour seul fardeau.
Revivre, un peu la suite de "Toutes choses" sur le précédent, le mythe du temps qui passe ou qui déjà est passé sans qu'on s'en aperçoive, avec ses choses agréables qu'on voudrait regoûter. Malgré la décrépitude, la décadence, à l'intérieur, rien n'a changé, les plaisirs de la vie sont intacts et on s'y replonge avec délectation. Musique minimale, grand piano, comme un orchestre à lui tout seul, pour la concentration du propos. Du grand Manset !!
Capitaine Courageux : Suite de la mort d'Orion, ballade spatio-temporelle réactualisée aux confins de la galaxie sur un vaisseau fantôme intergalactique, sorte de Capitaine Némo des âges futurs dérivant au gré des vents solaires, la terre est morte et elle ne suffit plus à notre soif d'éxotisme donc il faut décoller et aller voir ailleurs, seule mémoire sa verdure et ses océans, l'eau, la vie. Les percussions électroniques refont leur apparition, c'est un peu indigeste.
Eden Bay : Pays de connaissance, la mélodie et la structure nous font penser à l'Atelier du Crabe, sorte de bar-bazar à l'autre bout du monde où tout le monde vient là parce que c'est le seul commerce à 100 kms à la ronde, ses serveuses affriolantes qui n'ont pas froid aux yeux; le dépaysement est donc limité et la chanson ne suscite pas un engoûment exceptionnel, on la qualifiera d'un peu fade, sans rééls moments de surprise agréables.
L'album se conclut sur "Territoire de l'Inini", et la boucle est bouclée, retour sur les tristes tropiques et l'Amérique du Sud entre Brésil et Guyane peut-être. Flûtes de Pan, le Maroni, le fleuve immense, les guerriers, contrebandiers, sarbacanes et esclaves humains; la jungle et ses mystères, ses dangers, 8 minutes d'échappée belle et l'avion est reparti vers la civilisation.

LA VALLÉE DE LA PAIX : Trois ans après "Revivre" et rien à jeter dans cet opus, il a pris son temps, mis toutes les chances de son côté, ramassé le propos pour éviter la redite ou le juste banal, un album hors du temps, hors des modes, bref incontournable.
Paradis : Certains y voient du "hard-rock"...!!! Je pense qu'effectivement nous n'avons pas la même perception du mot ou alors ils confondent avec "heavy métal", ici, c'est juste une guitare très en avant qui joue fort et distordue sur une rythmique bien appuyée. Côté texte, c'est plutôt le mythe d'Icare qui se rapproche du soleil et qui se brûle les ailes. Y'a t'il un Dieu à la porte qui filtre ceux qui rentrent ou pas, les références religieuses sont bien présentes et un peu montrées du doigt, le miroir aux alouettes. Des guitares partout, des saturées, des sèches, des rythmiques, rock'n'roll attitude !!
La Vallée de la Paix, le morceau; 10.20 de plaisir onirique, début sur nappes de synthés, puis les instruments rejoignent le bal, comme sur la pointe des pieds, texte à couper le souffle, la marche vers le but ultime, la quête du graal, on ne s'ennuie pas une seconde à suivre le pélerin et les paysages défilent comme émerveillements permanents, guitares solos au son des chevaux qui passent en claquant des sabots, monumental !!
Quand le jour se lève : Texte grave sur mélodie somptueuse, le défilement des jours, des nuits, recommencer toujours, la vie continue, puissant et poignant.
Deux pigeons : Une suite du précédent, la réflexion sur le couple, les trahisons petites ou grandes, peut-on vraiment s'aimer toute une vie ? Musique épurée, simple et efficace, tout semble couler de source.
La ballade des échinodermes : Ce monde où nous vivons court à sa perte, nous nous battrons pour survivre même si notre carapace est bien faible pour de tels combats; une ballade style François Villon où les pendus-échinodermes n'ont plus beaucoup d'espoir, sinon fuir en Italie (??) et rentrer sous terre. Boucles musicales magnifiques et répétitives sur fond de guitare rock distordue, splendide et obsédant. Il fallait oser l'échinoderme et autres vocabulaires inattendus.
La Terre Endormie : Ballade remplie d'écho et d'effets sonores, batterie toute en puissance et en sensations véritables, ce titre servira aussi pour un album photo de voyages. Le temps semble avoir suspendu son vol le temps de la chanson, comme pris dans la glace; le reste est assez peu déchiffrable et semble être très personnel, peut-être un jour nous donnera-t'il les clés ?
Face Aux Objets : Mélodie évidente et rythme obsessionnel, un classique, comme un cri qu'il voudrait faire sortir de sa poitrine et qui refuse de se lâcher. L'opposition du concret des objets et leur caractère quasi-immortel sauf à se briser par rapport aux valeurs métaphysiques relevant de la réflexion et de l'abstrait. Philosophie de la vie ? Les guitares grasses et les nappes de synthés qui se répondent ajoutent au morceau un tourbillon de sensations.
A Qui n'a pas Aimé : Quelques reminiscences de Royaume de Siam, ambiance extrême-orientale, flûtes et nappes de synthés, l'être aimé sanctifié en une atmosphère quasi-érotique assez inhabituelle, l'amour aveugle les amants et la déchirure n'en est que plus cruelle, volontaire ou non, comme une partie de soi qu'on abandonne ou dont on ne se sert plus.

JADIS ET NAGUÈRE : Le disque démarre sur le titre qui donne son nom à l'album, sorte de fable écolo-pessimiste, le jardin d'Éden et ses merveilles, ça débute sur quelques arpèges de guitare sèche où tout ressemble au bonheur jusqu'au moment où la guitare électrique déchire ce tableau idyllique, les accords mineurs apportant leur touche de gravité et de sensation de mal-être, boire le calice jusqu'à la lie. C'était mieux avant mais on suit notre chemin bon gré mal gré...
L'amour aveugle, un blues acide, un texte à peine murmuré, comme une toupie qui tourne sans fin, la guitare mène le bal sur une piste tortueuse sans apporter vraiment la solution qu'on est en droit d'attendre.
Vahiné ma soeur, l'escapade outre-mer, la seule du disque qui fasse référence aux voyages, à l'Océanie, sorte de prolongement de "Et l'or de leur corps" sur près de 10 minutes, la mélodie obsédante, récitation monocorde sur un tableau aux couleurs éclatantes, quelques éclairs de cordes pour faire bonne mesure au diapason des guitares lumineuses. La vahiné mélanésienne et par moments la grâce du "Marin'bar " sur son atoll en feu, étrange silhouette couleur café, colliers de fleurs, lagons infinis et chaleur moite. Elle est là-bas, femme inaccessible, et lui, ici ne rêve que de la rejoindre, toucher son corps, son île, son oiseau de paradis.
A quoi sert le passé ? Sorte de réponse à "Jadis et Naguère"; le présent est là et il faut le vivre à cent à l'heure sinon tu crèves, un rock farouche à la guitare bien destroy tout à fait digne d'illustrer le propos, quelques références à l'Inde (Mysore) ou aux Philippines (Cebu) pour se ressourcer et montrer du doigt où se situe la solution; la fuite pour oublier le passé, le présent, le futur et vivre ses rêves.
Oraison; tout est dans le titre, notre monde se meurt et Manset, tel un Bossuet des temps modernes nous dresse un portrait sans équivoque de la situation désespérée (bien sûr). Mais la Nature est trop forte, elle reprendra le dessus, l'homme ne fait que passer, un épisode douloureux mais infinitésimal. Gratte sèche pour mener la danse, distorsion en fond comme écorchée vive, sorte de squelette bon pour l'explication et le cours de sciences naturelles. Blues apocalyptique.
Comme le buvard boit l'encre; sans doute le plus beau titre, le désespoir à son point culminant, la musique à faire dresser les poils sur la peau; l'absorption des sensations extérieures pour les faire siennes, surpasser le passé et renaître comme un phénix des cendres encore tièdes.
Quand il était gosse : chanson d'espoir ? Ça commence par cette voix féminine douce et haut perchée sur riff de guitare rock, puis le maître pose sa voix de vieux sage qui a tout vécu, tout digéré, il a forgé son mode de vie depuis l'enfance, appris chaque jour comment avancer sans compromis et les années passent sans qu'il ne dévie d'un iota, fidélité aux valeurs.
Un album très rétroviseur, Manset regarde ce petit miroir et jauge le chemin parcouru, peu de nostalgie, juste de la clairvoyance et des interrogations, que sera demain si hier est encore si présent ?

1999, année pléthorique, un best of et quatre compilations survolant l'ensemble de la "carrière" mais surtout, chose presque incroyable, TROIS inédits, sortis des tiroirs et mis en circulation presque sous le manteau, comme des pépites surgies de la rivière lorsque l'orpailleur relève son tamis.
Tout d'abord "Pavillon sous la neige", semblant dater de l'époque "Comme un guerrier" une sorte d'hommage à un maître (bouddhiste ?) vivant reclus loin des hommes et avant qu'il ne trépasse il se remémore la vie pleine qu'il a vécu. Un titre un peu anecdotique, juste pour aiguiser notre appétit mais qui a le mérite d'exister.
Puis "Bergère", qui aurait dû paraître sur "Matrice"; un titre fort celui-là par contre, et qui n'aurait en rien dépareillé sur "Matrice"; un amour de jeunesse ressurgit du passé avec tout ce que cela engendre de nostalgie et de souvenirs éphémères.Les premiers émois amoureux et sa capacité à gravir les marches vers la plénitude et la jouissance féminine.
Enfin "Artificiers du décadent", (époque "Jadis et Naguère"), texte clairement politique, alarmiste en diable, s'adressant aux dirigeants de tous bords pour leur montrer que rien ne doit être négligé, même le plus infime des avis compte et doit être pris en considération sauf aller à la catastrophe, à la décadence.

LE LANGAGE OUBLIÉ : Et si celui-ci était le moins bon de Manset ? C'est un peu la sensation que j'ai eu en le réécoutant récemment...Pourtant tout commence de manière excellente; "Demain il fera nuit", du très grand Manset, du texte bien noir, des animaux répugnants, une mélodie imparable, des guitares électriques bien grasses comme des éclairs dans un ciel sombre, des sèches comme nappage caramélisé. L'apocalypse n'est pas que sous ces volcans perdus au milieu des océans, il est à nos portes, notre société fout le camp et court à sa perte (air maintes fois rabâché que certains vont trouver réac' ou glorifiant le passé).Une introduction somme toute classique mais de bon goût....
Puis "Quand on perd un ami", piano au démarrage, écho et réverb', du Manset encore classique, encore une oraison funèbre sur fonds de cordes genre violoncelle, musique de chambre mais mortuaire...la mélodie un peu monocorde, le texte un peu poussé sur la fin, à la limite de la rupture vocale, comme un cri qui resterait sans force à cause de la douleur ou de l'émotion. Prenant mais pas forcément indispensable.
"Le coureur arrêté"; là j'ai un peu de mal, ça commence sur une récitation après une intro prometteuse, un accordéon (..sérieux ??), ambiance cour des miracles franchouillarde, ensuite la mélodie est intéressante, le texte de bonne facture, onirique à souhait, on attend en vain une explosion plutôt que ces mots assénés sans réelle volonté de faire décoller cet avion aux ailes surdimensionnées. Le final et cette récitation qui recommence...passons sur cette erreur de parcours...7.43' quand même !!
A un jet de pierre et on repart sur de bons rails, rythmique toute en finesse, guitare omniprésente, lyrisme échevelé, cordes soutenant l'édifice, thème cher au maître, la voix parfois au bord du précipice, les deux pieds ancrés dans le quotidien, le bonheur existe-t'il ? Est-il accessible ? A votre avis ?
Mensonge aux foules,....pfff quoi dire, une sorte de reggae, comme on pensait qu'il avait tiré le trait depuis "Quand les jours se suivent...", donc on en remet une couche...dispensable, mélodie basico-basique, guitares tantôt grasses, tantôt enluminures, malgré un texte intéressant quoiqu'un brin trop premier degré à mon goût, l'opium du peuple version low-cost, je zappe
Le langage oublié, le titre...ça débute par une série d'accords assez improbables, du moins pour en faire une mélodie acceptable puis cette voix de femme qui rappelle le "Fade to grey" de Visage (si,si...) puis le vrai texte arrive, compliqué et cahotique, déchiré par les guitares saturées et les cordes remplissant l'espace. Le cheminement est compliqué, d'une gravité absolue (sans doute ces accords mineurs...), assez novateur mais pas facile même après dix écoutes attentives, 8.30 sur les manières de communiquer entre homme et femme...ardu. Pas si loin de la légende d'Orion en fait.
Que ne fus-tu ? D'abord le titre, moins vendeur que ça tu meurs....ensuite la mélodie (le mot est un peu exagéré) quasi-incompréhensible, on dirait un débutant qui fait ses gammes sur une guitare sèche eventrée, sa mère a dû le faire souffrir pour écrire un truc pareil, je zappe aussi donc sans plus de commentaires.
La fin du dernier monde connu, retour aux vraies valeurs, guitares menant le bal, la basse qui ronronne et tire le tout vers le haut, sur un thème nihiliste en diable, comme d'hab' oserai-je dire. L'ermite devant sa grotte regarde le monde heureux qu'il a connu jadis se déliter, s'évaporer vers le néant; que pouvons-nous y faire et pour essayer de l'oublier faisons l'amour en cette belle journée, opposition de styles entre le malheur et le bonheur.
A quoi sert ? Sans doute la suite du titre précédent, même thématique, envols des guitares, poussées dans leurs derniers retranchements, le propos est bien sombre mais la musique laisse place à un optimisme latent. Un grand titre.
Dans les jardins du 21ème siècle pour finir, reprise du thème du jardin si souvent utilisé, (jardin d'Éden ?) , la Fender Stratocaster égrénant ses accords bruts sans presque de distorsion comme un chapelet pour concrétiser la prière au Dieu rock'n'roll.
En conclusion un disque en trompe l'oeil, 3 titres dispensables qui grèvent le bilan, aucune allusion aux voyages, une sorte de panorama sur notre société occidentale qui va à vau-l'eau; le choix du tableau de Magritte en pochette ne peut passer inaperçu, chantre du surréalisme, adepte de la toute puissance du rêve comme moyen d'expression, on ne peut qu'y voir une volonté affirmée de refuser la réalité telle qu'elle nous est imposée par notre monde actuel et de se réfugier dans l'onirisme pour trouver un sens à nos existences même si la nostalgie du passé transparaît partout; il faut regarder devant et croire que tout est encore possible.

OBOK : Retour à un Manset plus classique, pochette de l'artiste, de dos, ouverture sur des horizons connus de lui seul, l'Afrique en fil conducteur (moins classique...) et ça commence par un coup de tonnerre, cet "Enfant-soldat" rempli de vécu et de réalité trop vraie pour être belle, des images chocs façon journal télé de 20h avec des larmes, du sang et de la chair à vif...bon appétit !! Pourtant ce morceau est une tuerie au sens moderne du terme, mélodie parfaite, carrée, production riche, instrumentation de bon goût, ce saxo qui vous file le frisson, les mots font mouche à chaque vers, la mangrove, Lagos, Conakry, les zébus, l'eau sale, la compresse, coups de crosse, on y est en spectateur involontaire et quelque peu coupable de cette situation; l'Afrique telle qu'on ne l'a jamais imaginée, la guerre, les enfants et les kalach', la barbarie sous le soleil de feu; une ouverture magistrale.
Jardin des délices : Après la guerre et la poussière des pistes africaines, une pause dans le jardin d'Éden, comme un caravansérail au milieu du désert, le titre est la marque de fabrique de Manset, grand piano, réverb' au maximum, façon "Il voyage en solitaire", "Vies monotones" ou "Revivre" avec en plus ici une production riche comme un loukoum, saxos, nappes de synthés, batterie squelettique et guitare rythmique omniprésente. La voix se fait presque chevrotante lorsqu'il monte dans les aigus. On se prélasse dans ce bain tiède avec délectation, comme un baume sur une plaie béante qui vient apaiser le traumatisme.
Fauvette : retour dans la banlieue d'on ne sait où, suite de "Banlieue Nord", la cité perdue, Noël, le froid, la neige et cette nana paumée, habillée comme une traîne-misère, maigre et fatiguée, hirsute, la clope au bec, croisée au hasard d'un café ou d'un trottoir, un blues du coin de la rue, comme un miroir tendu pour apercevoir la vie quotidienne de millions de personnes, un combat pour survivre où chaque minute se gagne.
Obok : le titre, résolument rock, façon "Le Train du soir", guitare grasse et distordue, l'orgue qui ronronne en contrepoint, retour en Afrique, sa chaleur, sa moiteur, son urgence, Obok en face de Djibouti, Lalibela, l'Éthiopie, la chrétienté et son chemin de croix au milieu de terres où l'Islam est majoritaire, et même à St Cloud on peut se sentir comme un étranger alors que l'on y est né, parce qu'un jour on est parti, on a vu autre chose, et le retour au pays n'a plus la même saveur.
Ne les réveillez pas : la sonate au clair de lune pour seule référence, Beethoven, classique, la vision bienveillante du grand père qui jette un dernier regard sur le sommeil de ses petits-enfants, qui voit cette nouvelle génération pousser, grandir. Les accords mineurs pour accentuer le propos.
Chaines : Le prisonnier de l'inutile réclame sa liberté, il veut encore jouir de tout, la vie, les femmes, les plaisirs simples qui nous manquent si cruellement lorsqu'on en est privé, musique au groove pénétrant, rythmé sur la grosse corde de mi,à la limite du désaccordage à force de vibrato,  flutes tourbillonnantes ou inquiétantes, comme une musique de série américaine quand le méchant prépare son forfait, le final fait la part belle à la batterie qui cimente l'ensemble.
Pacte avec mon sang, un thème totalement nouveau chez Manset, le diable...il l'aurait rencontré et signé un pacte avec lui (on n'y croit qu'à moitié...), d'habitude ce genre de tracasseries lui sont étrangères (Dieu, diable et consorts), mais là il nous livre une sorte de vision du malin et de leur accord pour devenir célèbre et rempli de tunes (là on n'y croit plus du tout...), restent quelques allusions (Jules Verne, Maupassant, le Gange, le Quang Xi) à l'univers plus classique. Musicalement, une guitare en cocotte gère la rythmique, la sèche en tapisserie soutenue par un orgue qui ronronne, quelques chorus de gratte aux moments clés ponctués de zébrures de distortion, comme une rivière descendant vers la mer sur une plaine en pente douce.
Veux-tu ? Grand piano, voix posée, écho comme dans une église, le temps qui passe et qui lamine tout, les choses, les hommes, les femmes, l'amour entre les deux êtres demeure, il évolue mais reste immuable.
La voie royale : L'asie du Sud-Est, le Cambodge, le Pnom, fin du parcours, longue mélopée célébrant cet inconnu, prince mystérieux qui jadis fut un personnage important, le saxo vient toucher de ses notes grasses la mélodie pour lui donner cet aspect feutré et confortable, mid-tempo et voix reconnaissable entre mille (la voix royale ?)

MANITOBA NE RÉPOND PLUS : Est-ce le fruit du pacte avec le diable passé précédemment ? Un hasard, une prise de conscience médiatique? Rien en tous cas n'explique l'engoûment soudain pour Manset suscité par la sortie de cet énième opus, les ingrédients sont les mêmes, la voix, la musique idem, aucune concession à un show-biz ou une mode quelconque, mais le résultat est là, la presse unanime salue ce disque comme un événement incontournable, les ventes explosent et voilà notre héros propulsé au pinnacle sans la moindre volonté de s'y rendre ni de l'expliquer. Il est vrai que tout est parfaitement huilé sur ce disque, mais comme d'habitude, en fait, la main du maître contrôle l'oeuvre de bout en bout, paroles, musiques, orchestrations, photos, promotion, seuls les musiciens fidèles viennent poser leur dextérité sur les partitions qu'on leur soumet. Manset commence à intéresser le monde du show-biz de manière crédible (Bashung, Birkin..) ou pas (Clerc, Raphaël, Gréco, Pagny, Indochine) mais la patte-Manset ne se transmet pas aussi facilement, un texte ne suffit pas, l'univers est plus complexe à apprivoiser. Déjà le fiasco "Route Manset" m'avait laissé sans réaction....comment peut-on vouloir rendre hommage de son vivant à cet auteur majuscule (qui d'ailleurs n'a pas trop commenté le sujet) et passer autant à côté de l'essentiel, comme s'ils ne comprenaient rien au "phénomène Manset". Rien à sauver de ce désastre !!
Comme un Lego
: La version originale, ce titre ayant été "cédé" à Bashung pour l'album "Bleu Pétrole" (qui essaiera de s'attaquer à "Il voyage en solitaire" également....), les paroles ayant été adaptées ou ré-arrangées pour mieux les posséder seul. La vision du monde sous le versant de l'uniformisation, construit avec ces briques de Lego où pas une n'est différente des autres. Les voix de chorales façon gospel nous rappellent "Lumières", frisson garanti.
Dans un jardin que je sais, retour du mythe du jardin (un par disque ou presque...), le piano comme une fontaine de jouvence et la guitare qui égrène ces notes de rosée arrosant cette végétation luxuriante. Une chanson d'amour toute en retenue et grâce sans qu'il soit besoin de montrer des images crues ou obscènes, la classe !!
Le pays de la liberté, le titre qui a failli donner son nom à l'album, mais son côté trop "politique" lui a fait faire marche arrière. Il n'est pas besoin d'aller chercher bien loin pour comprendre que ce pays n'est plus le nôtre, même si le mot est inscrit dans notre devise. La quète du St Graal, comme un serpent qui se mord la queue, aucune chance d'arriver au but.
Aux fontaines j'ai bu, le groove immédiat, dès l'intro, cette guitare qui imprime son rythme, cet orgue qui se glisse entre les silences, qui a bu boira, mais là, à l'évidence l'addiction est forte, le plaisir ressenti en appelle d'autres encore, quand on goûte au paradis on veut y revenir toujours, tellement humain...
Quand une femme : les choses simples, le quotidien qu'on ne voit plus et qui pourtant sont la vie, cordes au démarrage, puis guitare presque transparente sur le couplet, toute en arpèges jusqu'au refrain où les accords distordus viennent recouvrir ce mur du son.
Genre humain : Paris, hymne à la foule, à l'invisible, au néant, la suite de Fauvette d'Obok, version mâle, ce gosse qui renvoie l'image de ce qu'il fut sans doute dans ces rues de la capitale, les années 50, Doisneau, photos noir et blanc d'une époque si lointaine.
Voulez-vous savoir ? Un titre très fort au niveau du rythme, on l'imagine très facilement pour une version "live", mais je rêve...!! La voix en rupture sur certaines fins de chorus ajoute l'intensité dramatique, les images fortes, les chairs coupées, les membres amputés, du Manset pur jus, plus un final paré pour un rendez-vous au tas de sable, une tournée ....vite !!!
O Amazonie : seule concession au voyage sur ce disque, retour en Amérique du Sud, le Brésil sans la samba et le carnaval, loin des touristes et des plages de Copacabana, du foot et de la bossa nova, ici, c'est la forêt inextricable, sa faune, sa flore, tout ce que la déforestation n'a pas encore réduit à néant, la forêt d'émeraude, version John Boorman, la lutte des peuples pour conserver leur paradis jalousé. Le poumon de la Terre au plus près de l'os.
Le pavillon de Buzenval : retour à St Cloud, rue de Buzenval, son pavillon dans la cité de banlieue, il retrouvait cet amour de jeunesse, belle et svelte, joueuse et amoureuse, les années-bonheur qui passent en un éclair mais qu'on n'oublie jamais malgré l'oeuvre du temps qui détruit tout. Nostalgique et simplement beau. On sent le vécu à chaque phrase.
Dans mon berceau j'entends : La voix qui se casse plus souvent qu'à son tour, perchée dans les aigüs, piano+guitare en duo, squelettique comme une renaissance au sens premier du terme.

UN OISEAU S'EST POSÉ : Nouvelle maison de disques, nouveau challenge, fidèle à sa marque de fabrique où rien n'est jamais figé et où tout se retravaille avec le temps, le nouveau disque sera fait de reprises d'anciens titres, ré-arrangés, remixés, remis au goût du jour, en duo parfois, bref un melting pot où chacun pourra y trouver son compte ou presque. Les titres sont joués live en studio (soi-disant), donc une sorte de concert sans public....Un inédit quand même qui donne le nom à l'album, à première écoute cela pourrait dater de la période "Obok" (mais rien n'est moins sûr...), les nappes de synthés se marient assez bien avec le texte un peu glacial comme si cet oiseau se posait sur un paysage de neige encore inviolé.
Entrez dans le rêve : dans cette version la boite à rythmes d'origine est remplacée par une vraie batterie, ce qui donne un côté humain beaucoup plus agréable, le son de guitare a lui aussi été modifié, plus grasse, trainant sur le fuzz, plus un saxo qui épaissit le trait, la voix plus en avant semble presque palpable tellement elle est proche. Donc plutôt une réussite...
Cover me with flowers of mauve (élégie funèbre, version anglaise) : un duo avec Mark Lanegan, voix d'outre-tombe, bizarre d'entendre cette mélodie avec des mots qui ne semblent pas faits pour elle; c'est glacial, parfait pour un enterrement, seule la voix de Manset arrive un peu à tirer le frêle esquif sur des rivages un peu plus accorts, une curiosité sans plus.
Comme un guerrier : On a l'impression d'une version épurée (est-ce vraiment possible ?) piano limite bastringue, l'intro de guitare un peu sous-estimée, la voix traîne un peu par-ci par-là au lieu de magnifier l'urgence des images, les cordes se font un peu tirer l'oreille avant de nous délivrer leurs traits lumineux, pas franchement indispensable non plus....
Matrice : La question demeure, peut-on dépasser la perfection ? La version de 1989 avait-elle besoin d'un retraitement, cette guitare aux accents pinkfloydiens, pourquoi ? Puis cette légère accélération du tempo, ces flûtes tourbillonnantes, tout était déjà dit sur la VO, franchement je cherche mais ne vois pas...pas obligatoire, le mieux est l'ennemi du bien, la voix traîne un peu par moment et semble peiner à raccrocher les wagons qui filent sur les rails...
No man's land motel : Un duo avec Paul Breslin, son guitariste made in USA, avec texte anglais, plus récité que vraiment chanté, le piano a totalement disparu au profit d'une guitare sèche et de nappes de synthés, pas vraiment une réussite à mon goût.
Lumières : Version épurée, guitare sèche, vraie batterie, du moins au début, la chorale finit quand même par arriver vers 6.30 pour une petite incartade éphémère; on sent le plaisir à jouer ce titre, à porter ce texte jusqu'à son terme, comme un objet ancien qu'on redécouvre et qu'on palpe pour sentir les matériaux nobles, sans plastique, ni silicone, la redécouverte du toucher.
Celui qui marche devant (avec Axel Bauer) : Duo, enfin plus ou moins, Bauer récitant de manière monocorde en baryton le texte par-dessus le chant de Manset, assez intéressant mais qui aurait gagné à ne garder que la voix de Manset....of course !!
Manteau jaune : Une sorte d'inédit (cette chanson donnée à Raphaël n'avait jamais été interprétée par Manset) et je ne connaissais pas la version  de Raphaël qui me laisse de marbre, Raphaël, pas la chanson.... Un rock assez classique drivé par une fuzz bien en chair, grasse à souhait rejointe par un solo de guitare bien agréable, après le manteau rouge, le jaune (abricot), l'hiver peut arriver on est parés.
Toutes choses (avec Raphaël) : La guitare sèche prend la place de l'électrique, ambiance feu de camp au milieu du désert, pour ce duo avec son protégé (ou celui de sa fille...son gendre ??), Manset traîne un peu sa voix, comme fatigué, articulant à peine ou même zappant certains mots d'origine. La voix fluette de Raphaël semble peu en accord avec ce texte, comme un décalage, absent ou pas concerné, trop admiratif du maître pour pouvoir donner une quelconque personnalité.
Deux voiles blanches : Démarrage au biniou....(??) pour le côté celtique (??) ou proche de la Bretagne pour la mer....puis les flûtes irlandaises, il ne manque qu'un peu de batterie écossaise pour être au festival interceltique... Je cherche encore le pourquoi d'un tel traitement, alors que l'original était une pierre angulaire de "Prisonnier de l'inutile", là je ne vois pas où se situe l'amélioration ou l'approche...Next !!
Genre humain : Production différente, cordes en retrait mais batterie qui déboule plus tôt, orgue qui tapisse le mur du fond, sinon la voix est quasiment copiée-collée.
Le pont : Une version un peu délavée à mon goût, comme un vieux jean qu'on a adoré, qu'on retrouve au fond de l'armoire et qu'on remet quand même, en se disant qu'autrefois il seyait à merveille mais quelques détails laissent une impression de temps qui passe....La guitare se fait moins rauque, je préfère l'original même si on sent le plaisir d'avoir rejoué ce titre en live.
Manteau rouge : Rythmique genre ferroviaire, voix éraillée presque monocorde limant la mélodie, guitare moins Knopfler, difficile de surpasser l'original, restent les rajouts de texte, une strophe rajoutée pour faire bonne mesure (l'anaconda et le bain d'acide), seul intérêt.
La ballade des échinodermes : La voix semble nous chuchoter ce texte sublime, accompagné au saxo qui tire un peu la couverture à lui sur des arpèges de sèche et de glissandos d'électrique, cela perd en intensité alors que la VO nous délivrait un blues maximal grâce à un corps squelettique, tout ça est trop riche, trop gras, comme une patisserie industrielle, jusqu'à la nausée.
Rouge-gorge : Piano électrique, percussions boite à sable, la mayonnaise semble un peu longue à monter, les cordes arrivent enfin comme une délivrance; la voix sombre traîne un peu son blues, bof, bof....
Animal on est mal (avec DEus): Revisitation sous la houlette des belges de DEus, Manset chante comme si la chanson était d'hier, avec force et conviction même si la rythmique façon click-track fait un peu cheap, y'a une présence, un tourbillon que la version originelle laissait apparaître sans vraiment parvenir à ses fins, plutôt une réussite donc et une énergie communicative de DEus.
Le train du soir : Trop de production tue la production, ou comme une voiture tunée avec ses rajouts de carrosserie et ses pots chromés, la vulgarité n'est jamais très loin. J'avais succombé au savoir-faire de Manset sur le titre original, sa guitare grasse, sa rythmique d'enfer, son univers monochrome; là ça manque de personnalité et de conviction, je garde la VO.

En conclusion en lisant mes lignes, on s'aperçoit qu'il n'y a pas grand'chose à sauver de cet effort; il nous tarde la suite des aventures, de vrais nouveaux titres, la patte du maître dans toute sa splendeur, mais si vous découvrez Manset aujourd'hui ne commencez pas par celui-là.

2015 : Sortie d'une énième compilation (pourquoi faire ? Résumer l'oeuvre à ces titres ultimes alors que tant d'autres demeurent incontournables...? Je cherche le sens caché.....?). Je retiendrai les bribes de nouveautés proposées; à savoir tout d'abord l'inédit, "Rimbaud plus ne sera" ou comment en remettre une couche après le "Être Rimbaud" donné à Raphaël (qu'on aurait vraiment adoré entendre chanté par Manset...). L'atmosphère est ici 100% parisienne, la Seine.... une sorte de mariage pour tous entre l'héroïne de "Fauvette" et le gamin de "Genre Humain", leur liaison passionnée, juste pour visualiser leur sexualité. Texte sobre, dénudé, dépouillé, l'amour impossible finissant sur Juliette et Roméo. Musicalement pas de trouvailles mélodiques alambiquées, ça reste classique, rectiligne ( le mineur et les 2 majeurs derrière ) mais ça produit toujours son effet immédiat. Les arrangements sont par contre bien construits; la progression de l'ambiance à son apogée. On démarre sur une guitare trame de fond et la mayonnaise va monter au fur et à mesure des ajouts, la batterie, puis les guitares de toutes sortes, des acoustiques, des électriques, le solo, les choeurs, les breaks; il ne manque rien, on est gâtés....
Deuxième bonus, la version revue et repensée de "Revivre" le titre de 1991. Alors que la version originale était décharnée pour laisser apparaître "l'os de son visage", aiguisée comme une lame de coupe-coupe, la version 2015 prend une allure quasi-sépulcrale, la voix est mixée en arrière, comme au fond d'un monastère, dans une salle des pas perdus avec écho et choeurs qui subliment encore un peu plus le propos déjà très fort en émotion, le frisson parcourt l'échine, la faucheuse ne semble pas très loin et l'ambiance entre deux eaux (entre vie et mort) appelle à se demander s'il faut vraiment revivre ou plutôt penser à l'au-delà. Choix cornélien....
Puis, en fin de disque, la nouvelle version d'"Animal", après la secousse donnée par DEus en 2014 il n'était pas question de rester en retrait, donc on remet le bleu de chauffe et en avant toute !! Rock'n'roll sur toute la ligne, musique au son survitaminé, stéroïdes anabolisants ou EPO qu'importe, un nouveau souffle pour l'animal !! La voix quant à elle, fluette et peu assurée en 68 a mué, pris de la pâtine et du coffre, le 48 pistes numérique fait quand même des miracles et on se plait à regoûter à ce cocktail énergisant. Vivement la suite des aventures.....

2016: Opération Aphrodite.
J'ai mis du temps à me plonger dans cet opus, sa forme étrange, l'arrivée d'une voix extérieure en fil rouge, et je voulais prendre un peu de recul avant de juger sur un plus long terme qu'une écoute à la va-vite ne pouvait que desservir.
Avec un mois de délai malheureusement je reste très dubitatif sur les qualités de cette oeuvre, qui au final ne m'a pas transcendé, ni conquis, c'est un euphémisme !!
J'ai commencé par supprimer les passages parlés par la "comédienne" que je juge hors de propos, d'une part sa voix se marie assez mal avec l'univers Manset, trop fluette, trop scolaire, pas assez investie dans l'oeuvre, comme une bonne élève à qui on permet au jour des récompenses annuelles de déclamer un texte lu ou appris par coeur sans qu'il transpire un soupçon d'âme, de créativité ou d'intérêt, on a juste envie que son bla-bla se termine pour passer à la musique, aux guitares, basse, batterie qui nous font dresser l'oreille et frisonner l'échine. Peut-être qu'en utilisant sa propre voix on aurait mieux avalé la pilule, à savoir...Donc exit et concentration sur les "vrais morceaux musicaux".
Ça commence par "L'Amour Brisé" et malheureusement tous ces oripeaux reggae qu'on croyait rayés des tablettes depuis "Quand Les Jours Se Suivent" refont surface, de manière édulcorée certes mais hélas gâchent le morceau qui, sans être à tomber, possède quelques qualités mélodiques indéniables.
"Comme un arbre ses fruits" ensuite, et là grosse déception, une sorte de slam (rien que le nom m'écorche), musique sans ligne mélodique basée sur des accords improbables assénés à l'orgue de balloche, on pense à Grand Corps Malade et sa poésie de quatrième zone où les rimes feraient sourire un élève de sixième.... le tout sur plus de 7'; la nausée !!
"Landicotal" arrive, sorte de rythm & blues propulsé par des cuivres vitaminés. Le texte est somme toute assez classique pour Manset, on voyage entre le quart-monde et ses soucis du quotidien, une histoire banale sur fond de rencontre, idéal pour une face B de 45T, pas plus.
"Le Lys Dans La Vallée", là on est conquis d'emblée, on retrouve les éléments qui nous font vibrer, voix grave, accords au      déroulé harmonieux et production millimétrée, des guitares partout. Le texte très rock'n'roll nous montre un Manset masochiste (se faire mal, avaler des clous) cherchant l'être aimé sans espoir de le trouver ou de l'approcher, juste un rêve sur du papier glacé sans doute.
"L'Amour En Océanie", parfum de recyclage, pas une mauvaise chanson, juste la reminiscence de "Marin'Bar" un peu trop présente et un texte limite pastiche (Oh c'est Annie.... beaucoup trop facile et évident pour un type comme Manset). Bref le recyclage c'est bien pour les déchets, pour la musique c'est la panne d'inspiration ou du foutage de gueule.
"Que t'ont-ils fait ?" Du Manset grand cru, chronique d'une violence quotidienne, on pense au droit des femmes et aux pays où il n'existe pas; le désir de fuir ce chaos qui nous entoure et qui fait peur, cette guerre planétaire omniprésente.
"Ma Collection Particulière", superbe chanson
"Divinités" je zappe, 11' de cross-over entre texte antique, chanson classique, voix parlée, chant, j'accroche pas, non concerné.
"Galaxie", on se demande si le fantôme d'Orion ne se ballade pas quelque part dans les recoins de ce machin dénué de mélodie, de direction, j'oublie.
Au final ce disque est un raté, à force de vouloir se différencier de la bouillie atone de la chanson française, on en arrive à se demander si Manset n'a pas un peu pris le melon, si sa vanité n'a pas occulté son talent ou son sens visionnaire d'une oeuvre cohérente (ceci transpire assez dans les interviews récentes entendues ici ou là, où il assène des vérités (les siennes) limite mégalo avec une sorte de diktat ou de certitude sans discussion possible). Ce disque me fait penser à ces émissions de TV au milieu de la nuit où une jeune femme généralement peu vétue pour attirer le chaland déclame des textes de littérature pendant des heures interminables; c'est vulgaire et peu appétissant surtout si la lecture n'est pas la tasse de thé de la demoiselle sus évoquée. La Belgique nouvel eldorado culturel de Manset, après Hergé (référence Manitoba) voici Pierre Louys et son Aphrodite moitié moyen-âge, moitié 21ème siècle....Étrange chemin !! Je resterai sans voix sur les allusions grotesques et les jeux de mots incongrus (simone s'ignorait et jean se marrait..???). Disque de trop ou venu trop vite, le génie c'est comme un filon d'or, un jour ou l'autre la source se tarit, et je suis désespéré d'écrire ça....

2018 : A Bord Du Blossom
3 ans que le disque est paru et j'essaie encore de m'intéresser à cet album, savoir par quel bout le prendre, en essayant de faire abstraction du précédent...difficile et peu appétissant, allez je me lance !!
Ce Pays : On retrouve ici tous les éléments insupportables du précédent disque (voix de femme assénant des textes sans queue ni tête, musique insipide, gratte sans inspiration, cordes atones, enfants récitant un texte limite du gag ), tout ça sur plus de 8mn sans mélodie quelconque.....pfff quelle purge !!! Même Manset quand il s'essaie au chant sur 2 ou 3 phrases semble perdu ou à côté de la plaque....
On Nous Ment : On va peut-être rentrer dans le vif du sujet, une chanson, une vraie, paroles, musiques...j'y arrive pas, tout me semble déjà vu, une répétition de choses entendues précédemment, flûtes,trompettes, plus ou moins on jurerait des samples de chansons anciennes mises bout-à-bout, quant aux jeux de mots, je reste sans voix moi aussi, bof, bof....
La Falaise : On repart sur une récitation pseudo onirique...1,30 mn sans intérêt
Mon Karma : Rythme mi-caribéen mi-latino, ambiance Marin'Bar sans l'effet de surprise, choeurs féminins trop présents voire omniprésents, je zappe
L'équipage : Texte avec des mots qui claquent, sorte de parenthèse entre deux morceaux de musique jouée avec de vrais instruments, on n'est pas loin de s'endormir, hou hou, y'a quelqu'un sur ce bateau à la dérive ?
Manila Bay : Réveil en sursaut, on attaque avec une guitare bien rock, une basse ronde, une batterie en rythme, les accords balancés pour poser les fondations... on y croit, ça y est c'est parti ??? Pas génial mais au moins on a l'impression de reconnaître le maître comme sorti de sa torpeur ou de sa convalescence post-apocalyptique. De l'électricité enfin, même si c'est du 110 volts on veut y croire et on va assister à un frisson digne de notre enthousiasme...peut-être le morceau suivant ??
Le Hamac : Raté, encore une récitation ....
Une Chambre à La Havane : On se prend à croire à un moment de créativité comme Manset nous en livre à chaque album, la guitare déroule ses accords, le chant se fait mélodique et envoutant, et puis soudain patatras, le texte se fait de nouveau récitation, on jurerait du slam, vide et grotesque, quant au parallèle Havane, Pavane...comment dire ? Désolant...
La Flûte de l'archipel des Perles : Intermède aussi transparent que les précédents, vaguement mené par une guitare sèche, sorte de démo, travail bâclé à mon sens....
La Vierge Pleure : 2 accords, quelques vagues chorus de Stratocaster, des mots balancés en espagnol pour l'exotisme (grande première), pas de quoi me faire frissonner
Sa Tribu Primitive : Interlude....je baille aux corneilles !! 59s c'est un coup à se décrocher la machoire...
Le Fils du Roi : Gratte sèche, Violoncelle, chant à la limite du décrochage, ennui total...
Dame Nature : Réveillez-moi à la fin....zzzzzz
Pourquoi les Femmes ? : 9mn42 pathétiques, on hésite entre le foutage de gueule et l'absence d'inspiration, on est loin de Matrice et de la flamboyance de jadis....au secours, il est devenu fou ???
Le Paradisier : On avait déjà eu, il y a une eternité, l'oiseau de paradis et il avait un autre plumage; là on se croirait dans une volière avec cette fille à la voix cristalline mais sans âme reprenant des bouts de phrases comme si Manset n'arrivait plus à imprimer sa légendaire marque de fabrique des pistes de voix multipliées à l'envie, mélodie réduite à sa plus simple expression,
guitares vaguement hispaniques, quant au défilé des oiseaux aux noms aussi improbables que ridicules, ce doit être ça se faire traiter de tous les noms d'oiseaux....fin du calvaire.
Inutile d'épiloguer, je ne suis pas fan de cet opus et je suis poli...on dirait par moments une resucée de la Mort d'Orion réactualisée et au ras des paquerettes ou des coraux....quelle sera la suite ? et y'en aura t-il une digne d'intérêt ? Je veux y croire encore un peu, mais je doute....

2022 : Le Crabe aux Pinces d'Homme
Dans Un Pays De Pain d’Épices : Une ballade exotique, soutenue par une batterie clic-clac, quelques vocalises en portugais, un passage en talk-over, la voix de Manset comme limitée lorsqu'il cherche les aigus, ça ne me fait ni chaud ni froid, sans âme, sans émotion.
Le Crabe Aux Pinces d’Homme : Cuivres, guitare basique pas vraiment excitante et plutôt rengaine, texte insipide et totalement suréaliste, 7'50 quand même, c'est long... le crabe on a déjà eu l'Atelier et c'était une autre tenue...
L'Espérance : On retombe sur les travers des 2 disques précédents... ça parle, ça discute plus que ça ne chante, la musique....un accord égréné jusqu'à l'ecoeurement.....pfffffff, on perçoit une guitare saturée par bref moments... la nausée.
Marilou-Marilou : Mélodie plan-plan, 2 accords, un mélange d'exotisme, choeurs féminins, rien de formidable, même pas de quoi faire une face B de 45tours, histoire sans queue ni tête et phrases déjà entendues avant, on s'ennuie grave...13'05 ouf !!
Pantera : On a l'impression d'une suite de la précédente, des récitations de noms d'animaux... Animal on est très très mal.... On a du mal à accrocher à cette histoire de sa mère, son nom, son surnom... couper le cordon ombilical oui, il est temps !!
Laissez-nous : La dernière du disque, ça ressemble à une sorte de délivrance, par rapport à la bouillie des titres précédents, presque écoutable....presque.  Les aigus encore à la ramasse, quelques arpèges de Fender plutôt réussis mais noyés dans le gloubiboulga c'est presque anecdotique.
Je ne pense pas ré-écouter ce disque, le dernier morceau écoutable reste pour moi "Rimbaud Plus Ne Sera",  je vais me le refaire de suite, guitare en main, un vrai dernier frisson avant de refermer la boite de Pandore.